La vallée de l’Ubaye : un paysage décrypté
Profitant d'un climat à la fois alpin et méditerranéen, la vallée de l' Ubaye a pris le nom de sa rivière principale qui descend du belvédère du Mont Viso, sur la frontière italienne, jusqu'au lac de Serre-Ponçon, emportant dans son cours de nombreux torrents.
Étagée de 800 à 3400 m d'altitude, la vallée présente des reliefs générés par une géologie complexe et travaillée par une érosion active qui offre aujourd'hui les formes d'une diversité tantôt escarpée tantôt apaisée.
Description du paysage
Au premier plan, la pente est prononcée. Le regard est attiré vers la ville de Barcelonnette installée en fond de vallée, sur la rive droite de l' Ubaye (affluent de la Durance) endiguée en 1388, et nous devinons la rivière qui a donné son nom à la vallée.
Située à 1135 m, cette ville d’altitude est indissociable de ses sommets emblématiques qui nous font face (le Chapeau de Gendarme, 2682 m et le Pain de Sucre, 2560m) qui la surplombent.
En face de nous, sur le versant opposé, nous identifions des replats cultivés de parcelles aux formes et aux dimensions variées.
Des roches de couleur grise affleurent et forment par endroits des dépressions importantes.
La forêt est très présente sur les pentes en haut du versant, puis elle disparaît et cède la place à une bande claire et festonnée, domaine des crêtes rocheuses.
Des paysages sculptés par l'érosion
La vallée de l'Ubaye forme autour de Barcelonnette un ample bassin, dont le fond se situe à 1100 m d'altitude environ et les sommets s’échelonnent entre 2500 et 2900 mètres d'altitude. Les versants orientés au Sud et au Nord, au modelé souple, contrastent avec les défilés resserrant la vallée à l'Est et à l'Ouest, aux pentes abruptes.
Les plans inclinés ou les replats en surplomb de la vallée observés sur ses versants, lieu privilégié de culture et d'implantation de l'habitat, sont un témoignage de l'érosion glaciaire.
La principale composante des dépressions de couleur grise qui se détache de la masse boisée et délimite souvent les replats, est une roche sédimentaire argilo-calcaire, la marne, connue aussi sous le nom de “terre noire” (ou par les géographes de “bad land”) : c'est une roche pauvre sur laquelle la végétation pousse très difficilement. Peu résistantes, l'eau et le gel la sculptent. Les paysages de cette vallée sont largement déterminés par les phénomènes multiples de l'érosion.
Une vallée ceinturée par des hautes montagnes
Dans les Alpes du Sud, la vallée de l'Ubaye est blottie à l'extrémité nord du département des Alpes-de-Haute-Provence. Elle s'étire d'Est en Ouest, de la frontière franco-italienne à la vallée de la Durance, qu'elle rejoint au niveau du lac de Serre-Ponçon. Elle est bordée au Nord par l'Embrunais et le Queyras qu'elle relie par le col de Vars (2100 m). A l'Est, le col de Larche (1991 m) assure la liaison avec la vallée Stura en Italie. Au Sud, elle voisine les vallées de la Haute-Tinée, du Haut-Var et du Verdon avec lesquelles, par l'intermédiaire du col de la Bonette (2802 m), de la Cayolle (2326 m) et d’Allos (2240 m), elle communique brièvement quelques mois de l'année. À l'exception du secteur formé par la confluence Durance/Ubaye plus ouverte et au relief plus modéré, la vallée de l'Ubaye est ceinturée de toutes parts par un ensemble de hautes montagnes dont les crêtes s'échelonnent entre 2000 et 3000 m d'altitude environ.
Une vallée cloisonnée
Au sein même de la vallée, le relief se subdivise en différentes unités qui se perçoivent assez clairement dans le paysage. À l'ample cuvette de Barcelonnette située en position médiane dans la vallée et offrant une vaste étendue de terrains peu pentus et abrités par des crêtes élevées, viennent se greffer de long appendices qui correspondent en amont à la haute vallée de l'Ubaye et de l'Ubayette, en aval au Val du lauzet et au vallon du laverq, et latéralement à la vallée du Bachelard. Ces vallées ont en commun la présence d'un relief souvent abrupt qui se resserre en des passages étroits et encaissés, comme des défilés (pas de la tour, pas de Grégoire, pas de la Reyssole) ou des gorges (gorges du Bachelard). Dans ces couloirs, les espaces à pente faible se font rares et débouchent sur la haute montagne minérale à la végétation rase ou absente.
Les gorges du Bachelard
Les principales roches de la vallée de l'Ubaye
La plupart des roches de la vallée de l'Ubaye sont d'origine sédimentaire, formées dans l'océan alpin durant toute l’ère secondaire et le début de l'ère tertiaire.
Dans le bassin de Barcelonnette, les “terres noires” sont surmontées par le flysch à helminthoïdes, incluant des klippes calcaires que sont les sommets :
- Les “terres noires” : marnes mises à nu dans les paysages caractéristiques de robines sont de couleur grise ou noire. Elles se composent de calcaire argileux et sont très sensibles à l'érosion.
- Le flysch à helminthoïdes : c'est une alternance de grès, de calcaire et de marnes qui se débite en feuillets et qui résulte d'importants glissements sous-marins. Cette roche est dite “à helminthoïdes” parce qu'elle porte l'empreinte de ce qui semble être des traces de reptation de vers.
- Les calcaires de la nappe sub-briançonnaise sont visibles sous forme de klippes (lambeaux de nappes de charriage isolés ultérieurement par l’érosion) au niveau des crêtes dominant le bassin de Barcelonnette (le Chapeau de Gendarme, le Pain de Sucre, les Séolanes).
La Grande Séolane : lambeau calcaire de nappe de charriage
Le passage des glaciers
Lors de leur passage, les glaciers quaternaires ont façonné le paysage de la vallée de l'Ubaye. Puissant agent d'érosion, ils ont modelé le relief selon la dureté des roches rencontrées le long de leur parcours. Les roches tendres, comme les schistes ou les marnes, ont été décapées et creusées. Au contact des roches plus résistantes, comme les calcaires, des verrous se sont formés. Ces derniers barrent le fond de la vallée de l’Ubaye en différents endroits (Châtelet, Méolans, le Lauzet). Les glaciers ont raboté ces versants et les ont fait reculer, laissant comme témoin des épaulements tapissés de moraines sur lesquels les hommes ont installé champs et hameaux. Ils ont élargi les vallées comme la cuvette de Barcelonnette, dégagé des passages que les routes des cols empruntent souvent aujourd'hui (col de Larche, col de Vars). En haute montagne, les glaciers de cirque ont façonné les paysages de vallons suspendus abritant de nombreux petits lacs.
Culminant à plus de 3400 m les massifs du Chambeyron, de la Font Sancte et de l'Orenaye recèlent une multitude de lacs d'altitude.
La vallée de l'Ubaye était occupée par un glacier de quelque 65 km de long et de plus de 600 m d'épaisseur. Son front avançait presque jusqu'à Sisteron. L'érosion due à l'écoulement du glacier à modelé longitudinalement la vallée en une succession de larges bassins à fond plat dont celui de Barcelonnette, qui recevait la glace des glaciers affluents depuis l'amont.
L'action du gel
En haute montagne, l'action du gel contribue au démantèlement des reliefs par éboulement. L'alternance du gel et du dégel occasionne la formation d' éboulis.
L'érosion torrentielle
Après le retrait des glaciers, l'érosion torrentielle à recreusé les paysages. Le principal agent - l'eau - ruisselle, arrache, transporte les éléments meubles du sol qu'il dépose plus loin.
L'érosion torrentielle est particulièrement vive dans les roches tendres, friables ou meubles comme les “terres noires”, les placages morainiques qui tapissent les versants. Elle donne naissance par affouillement à des ravins, qui alimentent les torrents affluents de l'Ubaye. En s'infiltrant, l'eau peut aussi provoquer des glissements de terrain.
L’adroit du versant central de Barcelonnette est une succession de cônes de déjection torrentielle.
L'ordre des forêts
La forêt semble revêtir sans nuance l'ensemble des versants, quelles que soient leurs expositions et jusqu'à des altitudes élevées. Résultat d'une progression spontanée survenant à la suite de l'abandon de terres cultivées ou de prairies d'altitude, elle présente aussi la particularité d'avoir été plantée par le service de la restauration des terrains de montagne (RTM), à la fin du 19e siècle dans un but d'utilité publique pour lutter contre l'érosion torrentielle.
Un paysage ressource
Une économie agro-silvo-pastorale a perduré difficilement jusqu'au milieu du 20e siècle. Les terres ont été défrichées, labourées afin de planter les cultures vivrières de base : blé, seigle, méteil, orge, pommes de terre, lentilles, avoine.
Les traces de parcelles agricoles épierrées et talutées sont visibles un peu partout dans la vallée grâce à d'immenses tas de pierres au milieu ou en bordure des champs : les clapiers. Ainsi certains clapiers finissent par tracer un parcellaire, d'autres jouent un rôle d’étrave pour protéger les constructions des avalanches.
Source : les paysages de la vallée de l'Ubaye, un guide de découverte édité par Sabença de la valeia.
Questions
1 Question relative à l’ère secondaire et tertiaire : En observant le paysage devant vous, quels sont les indices qui sont une preuve de la présence de l'océan alpin ici ? Pouvez-vous les dénombrer ?
2 Question relative au quaternaire : Le paysage devant vous est assez ouvert, même s'il est entouré de hauts reliefs. Comment expliquez vous cela, en lien avec la présence des glaciers?
3 Question relative à l'époque actuelle : Ces dernières années de nombreux événements torrentiels ont entraîné des fermetures de routes affaissées, des débordements de ruisseaux et torrents, des ponts endommagés. Pouvez-vous identifier, puis dénombrer les cônes de déjection en face de vous ? Qu'en concluez-vous sur ce paysage, et en particulier sur son évolution possible non pas à une échelle de temps long géologique mais à une échelle de temps humaine ?
Question 4 (option) : une photo de vous ou d’un objet vous appartenant avec un élément caractéristique de cet endroit serait appréciée.
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The Ubaye valley: a decoded landscape (UK )
Benefiting from a climate that is both Alpine and Mediterranean, the Ubaye valley took its name from its main river, which flows down from the Mont Viso lookout on the Italian border to Lake Serre-Ponçon, carrying numerous torrents in its course.
Ranging in altitude from 800 m to 3,400 m, the valley's complex geology and active erosion have produced a variety of landscapes, some steep, some gentle.
Description of the landscape
In the foreground, the slope is steep. Our gaze is drawn to the town of Barcelonnette at the bottom of the valley, on the right bank of the Ubaye (a tributary of the Durance), dammed in 1388, and we can make out the river that gave its name to the valley.
Situated at 1135m, this high-altitude town is inseparable from its emblematic peaks (the Chapeau de Gendarme, 2682m and the Pain de Sucre, 2560m) which tower over it.
Opposite us, on the opposite slope, we can see cultivated plots of land of varying shapes and sizes.
Grey rock outcrops form large depressions in places.
The forest is very present on the slopes at the top of the hillside, then disappears and gives way to a light, scalloped strip, the domain of the rocky ridges.
Landscapes sculpted by erosion
The Ubaye valley forms a wide basin around Barcelonnette, with a floor at an altitude of around 1,100 meters and peaks between 2,500 and 2,900 meters. The gently rolling slopes to the south and north contrast with the steep gorges that narrow the valley to the east and west.
The slopes of the valley, which are favored for cultivation and settlement, are evidence of glacial erosion.
The main component of the grey depressions that stand out from the wooded mass and often delimit the flats is a sedimentary clay-limestone rock, marl, also known as "black earth" (or by geographers as "bad land"): it is a poor rock on which vegetation grows with great difficulty. Water and frost sculpt the rock, which is not very resistant. The landscapes of this valley are largely determined by the multiple phenomena of erosion.
A valley surrounded by high mountains
In the Southern Alps, the Ubaye valley nestles at the northern end of the Alpes-de-Haute-Provence département. It stretches from east to west, from the Franco-Italian border to the Durance valley, which it joins at Serre-Ponçon lake. It is bordered to the north by the Embrunais and Queyras regions, which it links via the Col de Vars (2100 m). To the east, the Col de Larche (1991 m) provides a link with the Stura valley in Italy. To the south, it borders the Haute-Tinée, Haut-Var and Verdon valleys, with which, via the Col de la Bonette (2802 m), Col de la Cayolle (2326 m) and Col d'Allos (2240 m), it communicates briefly for several months of the year. With the exception of the area formed by the Durance/Ubaye confluence, which is more open and has a more moderate relief, the Ubaye valley is surrounded on all sides by a series of high mountains whose crests range in altitude from around 2,000 to 3,000 meters.
A compartmentalized valley
Within the valley itself, the relief is subdivided into different units that are quite clearly visible in the landscape. The wide basin of Barcelonnette, located in the middle of the valley and offering a vast expanse of gently sloping land sheltered by high ridges, is joined by long appendages corresponding upstream to the upper Ubaye and Ubayette valleys, downstream to the Val du Lauzet and the Vallon du Laverq, and laterally to the Bachelard valley. What these valleys have in common is the presence of a relief that is often steep and narrows into narrow, incised passages, such as defiles (pas de la tour, pas de Grégoire, pas de la Reyssole) or gorges (gorges du Bachelard). In these corridors, the gentle slopes are few and far between, leading to a high, mineral mountain with little or no vegetation.
Les gorges du Bachelard
The main rocks of the Ubaye valley
Most of the rocks in the Ubaye valley are sedimentary in origin, formed in the Alpine ocean throughout the Secondary and early Tertiary eras.
In the Barcelonnette basin, the "terres noires" are overlain by the helminthoid flysch, including the limestone klippes on the summits:
- The "terres noires": marls exposed in the characteristic robine landscapes are grey or black in color. They are composed of clayey limestone and are very sensitive to erosion.
- Helminthoid flysch: this is an alternation of sandstone, limestone and marl that is cut into sheets and is the result of major submarine landslides. This rock is called "helminthoid" because it bears the imprint of what appear to be the crawling tracks of worms.
- The limestone of the sub-Briançonnaise nappe can be seen in the form of klippes (fragments of thrust sheets later isolated by erosion) on the ridges overlooking the Barcelonnette basin (Chapeau de Gendarme, Pain de Sucre, Séolanes).
La Grande Séolane : lambeau calcaire de nappe de charriage
The passage of glaciers
Quaternary glaciers have shaped the landscape of the Ubaye valley. A powerful agent of erosion, they shaped the relief according to the hardness of the rocks they encountered along the way. Soft rocks, such as schist and marl, have been scoured and hollowed out. Where the more resistant rocks, such as limestone, came into contact, locks were formed. These block the bottom of the Ubaye valley in various places (Châtelet, Méolans, le Lauzet). Glaciers scraped away these slopes and made them retreat, leaving behind shoulders lined with moraine on which people built fields and hamlets. They widened valleys such as the Barcelonnette basin, and opened up passages that pass roads often used today (Col de Larche, Col de Vars). In the high mountains, cirque glaciers have shaped the landscape of hanging valleys that are home to numerous small lakes.
The Chambeyron, Font Sancte and Orenaye massifs, rising to over 3,400m, are home to a multitude of high-altitude lakes.
The Ubaye valley was once occupied by a glacier some 65km long and over 600m thick. Its front extended almost as far as Sisteron. Erosion caused by the flow of the glacier shaped the valley longitudinally into a succession of wide, flat-bottomed basins, including Barcelonnette, which received ice from tributary glaciers upstream.
The action of frost
In the high mountains, the action of frost contributes to the dismantling of the relief by landslides. Alternating freezing and thawing causes the formation of scree.
Torrential erosion
After the glaciers retreated, torrential erosion recreated the landscape. The main agent - water - runs off, rips out and transports the loose elements of the soil, depositing them further away.
Torrential erosion is particularly strong in soft, friable or loose rock, such as the "terres noires" and morainic veneers that line the slopes. It gives rise to ravines by scouring, which feed the tributary streams of the Ubaye. Water can also cause landslides as it infiltrates.
The central slope of Barcelonnette is a succession of torrential alluvial fans.
The order of the forests
Forests seem to cover all slopes, whatever their aspect and at high altitudes. The result of a spontaneous progression following the abandonment of cultivated land or high altitude meadows, it also has the particularity of having been planted by the mountain land restoration service (RTM) at the end of the 19th century for public utility purposes to combat torrential erosion.
A resourceful landscape
An agro-silvo-pastoral economy struggled on until the middle of the 20th century. The land was cleared and cultivated in order to plant the basic food crops: wheat, rye, meslin, barley, potatoes, lentils and oats.
Traces of agricultural plots whose stones were removed and shaped into embankments can be seen almost everywhere in the valley, with huge piles of stones in the middle or on the edges of fields: hutches. In this way, some hutches end up marking out a plot of land, while others act as bows to protect buildings from avalanches.
Source : les paysages de la vallée de l'Ubaye, un guide de découverte édité par Sabença de la valeia.
Questions
1 Question relating to the Secondary and Tertiary eras: Looking at the landscape in front of you, what are the clues that prove the presence of the Alpine Ocean here? Can you count them?
2 Question relating to the Quaternary: The landscape in front of you is fairly open, even though it is surrounded by high relief. How do you explain this, in relation to the presence of glaciers?
3 Question relating to the present day: In recent years, a number of torrential events have led to collapsed roads being closed, streams and torrents overflowing and bridges being damaged. Can you identify and count the alluvial fans in front of you? What conclusions can you draw about this landscape, and in particular about its possible evolution not on a geological timescale but on a human timescale?
Question 4 (optional): A photo of yourself or an object belonging to you with a characteristic feature of this place would be appreciated.
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