Skip to content

1914 đŸ“œđŸ· sur la balade des hĂ©rissons Traditional Geocache

Hidden : 8/8/2023
Difficulty:
2.5 out of 5
Terrain:
1.5 out of 5

Size: Size:   small (small)

Join now to view geocache location details. It's free!

Watch

How Geocaching Works

Please note Use of geocaching.com services is subject to the terms and conditions in our disclaimer.

Geocache Description:


1914 : L’enfer des tranchĂ©es

 

Le 3 aoĂ»t 1914, l’Allemagne entre en guerre contre la France. Les Allemands veulent conquĂ©rir la France en franchissant la Belgique, mais ils sont arrĂȘtĂ©s par les troupes britanniques, belges et françaises. Les armĂ©es prennent position en se terrant l’une en face de l’autre. Les soldats creusent des tranchĂ©es[1] pour se protĂ©ger des bombes et des balles. Le temps est souvent Ă©pouvantable, avec des pluies diluviennes et des vents de tempĂȘte. Le froid, l’humiditĂ©, les maladies causent plus de morts que les tirs ennemis. Au milieu de cet enfer, voici l’histoire d’un soldat Ă©cossais coincĂ© dans sa tranchĂ©e prĂšs d’ArmentiĂšres, Ă  l’ouest de Lille. Nous sommes en dĂ©cembre 1914, et Scott Blackwood a Ă  peine vingt ans.

Je dors dans un abri avec d’autres gars de mon bataillon. On se protĂšge comme on peut du froid. Les souris et les rats rĂŽdent partout. Parfois, ils courent mĂȘme sur nous. On a beau les tuer, ils reviennent toujours plus nombreux. J’en ai vu s’attaquer Ă  un chat et le dĂ©vorer. À cause d’eux, on est obligĂ© de suspendre le pain au plafond, au bout d’un fil de fer.

 

Le réveillon de Noël

 

Quand je me rĂ©veille, je repense Ă  ce que j’ai entendu la veille. À quoi va ressembler cette journĂ©e du 24 dĂ©cembre ? Je fais mes besoins dans une tranchĂ©e-toilettes, les pieds dans la boue gelĂ©e. On vit vraiment comme des bĂȘtes.

— Eh Scott !

C’est Tom qui m’appelle.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Les poux m’ont attaquĂ© cette nuit. Regarde


Tom a le ventre couvert de ces sales bĂȘtes. Il les prend entre ses doigts, une par une, et les Ă©crase avec ses ongles.

— Ne m’approche pas, je lui dis. Je n’ai pas envie d’ĂȘtre dĂ©vorĂ©.

Il grogne en haussant les Ă©paules.

La portion de territoire entre les tranchĂ©es ennemies et les nĂŽtres s’appelle le no man’s land[2], parce que personne ne peut y aller. Le moindre combattant qui s’y risque est criblĂ© de balles. Des cadavres de soldats sont restĂ©s lĂ  aprĂšs les assauts. Ils sont en dĂ©composition. La mort suinte de partout
 

Tellement, qu’on en devient indiffĂ©rent. L’ami de Jack a sautĂ© quelque part par-lĂ , il y a quelques jours. Certains ont dit que pendant l’assaut, il s’était refugiĂ© dans un trou d’obus pour Ă©chapper aux balles. Il savait pourtant que les obus tombent souvent au mĂȘme endroit.

La journée passe sans grave incident. Les canons et les fusils restent silencieux.

À la tombĂ©e de la nuit, les chants de NoĂ«l reprennent de plus belle chez nos ennemis. Une mĂ©lodie parvient mes oreilles.

— Je reconnais cet air ! On chante avec eux ?

Jack me regarde, outré.

— Chanter avec nos ennemis ?

— Et alors ?

Je commence Ă  fredonner la mĂȘme chanson avec nos paroles anglaises.

— Oh come, all ye faithful


BientĂŽt, d’autres soldats de mon bataillon m’accompagnent. Nous formons une drĂŽle de chorale dans la misĂšre des tranchĂ©es ! Les Allemands et nous cĂ©lĂ©brons la mĂȘme fĂȘte Ă  quelques dizaines de mĂštres de distance, en partageant les mĂȘmes chansons d’espoir. Seule la langue est diffĂ©rente. Chaque soldat sait que, chez lui, dans sa demeure familiale, des ĂȘtres chers chantent les mĂȘmes refrains. Je fais remarquer :

— On nous a rĂ©pĂ©tĂ© que les Allemands Ă©taient des tueurs et des barbares. Mais ils ont les mĂȘmes traditions que nous.

— Ne rĂȘve pas trop, me rĂ©pond Jack. Demain, ceux qui ont chantĂ© avec toi te tireront dessus sans Ă©tat d’ñme.

Dans notre abri, chacun de nous relit les lettres de sa famille, parle de sa femme, de ses enfants. Moi, je parle de mes sƓurs Wendy et Alice, de mes parents et de mon chien Bill. Ce soir-lĂ , on mange beaucoup mieux que d’habitude grĂące aux colis reçus pour NoĂ«l. On est un peu déçus par les saucisses, qui ont un goĂ»t de savon.

— J’avais dit à mes parents de ne pas les envoyer ensemble, ronchonne Tom.

— Tu te souviens du coup de froid de l’autre nuit ? me demande un camarade.

— Si je m’en souviens
 et comment ! Le pain Ă©tait tellement gelĂ© qu’on a dĂ» le couper avec une scie !

L’un de nous a rĂ©ussi Ă  rapporter de l’eau-de-vie d’un village de l’arriĂšre. On finit la bouteille en Ă©voquant le whisky Ă©cossais qui nous fait cruellement dĂ©faut. On rit, on chante, on blague, on se partage nos bonheurs passĂ©s. Certains sont dĂ©jĂ  gris. Avant de me coucher, je ne peux pas m’empĂȘcher de sortir de l’abri pour voir ce qui se passe du cĂŽtĂ© allemand. L’obscuritĂ© me protĂšge. En revenant, je dis Ă  Jack :

— Tu sais ce que j’ai vu ?

— Non.

— Les Saxons ont allumĂ© des bougies sur leurs positions.

— Des bougies ? C’est pour fĂȘter NoĂ«l.

— SĂ»rement. Mais ce que je trouve bizarre, c’est que j’ai l’impression qu’ils les ont plantĂ©es sur des arbres.

— Tu as rĂȘvĂ©.

— Non, je t’assure.

— Dors. Tu dois prendre la relùve de la garde avant l’aube.

 

Pourquoi se battre ?

Le matin du 25 dĂ©cembre, on me rĂ©veille pour que je remplace la sentinelle. J’ai du mal Ă  rester les yeux ouverts. Les chants de NoĂ«l retentissent Ă  nouveau du cĂŽtĂ© des Saxons. Ça me maintient Ă©veillĂ©. Des applaudissements, puis des appels suivent. J’entends :

— Joyeux NoĂ«l ! On arrĂȘte de tirer ?

Des Allemands me parlent en anglais !

— Fais attention Ă  leurs ruses, m’a prĂ©venu Jack. Je les connais. Des soldats français se sont dĂ©jĂ  fait avoir.

J’assiste bientĂŽt Ă  un Ă©trange spectacle : des petits sapins dĂ©corĂ©s de bougies apparaissent sur les parapets des tranchĂ©es ennemies. Puis quelques casques Ă  pointe se montrent. Un soldat Saxon s’enhardit : il sort de son trou, sans arme, en tenant dans une main un sapin illuminĂ© ! Je le vise, mais il n’a rien de menaçant. Qu’est-ce que je fais ? Je le laisse avancer ? Je baisse mon fusil. VoilĂ  qu’il me fait des signes amicaux. J’hĂ©site
 Le soldat est bientĂŽt rejoint par un autre, puis un troisiĂšme. Je n’en reviens pas.

— Viens ! crient-ils en anglais. C’est NoĂ«l. Faisons une trĂȘve !

Je pose mon fusil et je sors de mon trou
 lentement. Est-ce que je suis devenu fou ? Non
 je sens bien que ces Allemands n’ont envie que d’une chose : qu’on se retrouve pour se parler, sans armes.

— On veut faire une trĂȘve, insistent-ils.

J’avance dans le no man’s land. J’entends Tom dire aux gars de notre tranchĂ©e :

— Si Scott le fait, pourquoi pas nous ?

— Ça le regarde s’il veut jouer au malin ! rĂ©plique Jack.

Le sergent me crie :

— Soldat Blackwood ! Regagnez votre poste !

Tom proteste :

— Fermez-la sergent ! C’est NoĂ«l !

Il quitte lui aussi la tranchĂ©e et me rejoint, suivi de quelques autres. Les Allemands ne sont pas en reste. Ils sont de plus en plus nombreux Ă  sortir de leurs trous. Je marche sur la terre givrĂ©e, les yeux rivĂ©s sur eux. À quoi ressemblent ces hommes qui nous ont mitraillĂ©s pendant des semaines ? Ils avancent vĂȘtus de leurs vareuses grises. Trois d’entre eux portent des casques Ă  pointe. Ils me paraissent grands et jeunes
 comme moi. Ils lĂšvent les bras au ciel en criant des mots saxons que je ne comprends pas. Mais ce qui me surprend le plus, ce sont ces petits sapins dĂ©corĂ©s de bougies que certains brandissent. Pourquoi nous les montrent-ils ?

À mesure que j’avance, le physique de nos ennemis se prĂ©cise. Ils sont maintenant tout prĂšs
 Un soldat allemand ĂŽte son casque Ă  pointe et je dĂ©couvre un jeune au visage fatiguĂ©, aux cheveux crasseux, tout comme moi. Il me tend la main. Je tends la mienne en hĂ©sitant un peu. Nos paumes se serrent. Ça me fait bizarre de toucher mon ennemi, celui qui a sĂ»rement tirĂ© sur moi quelques jours plus tĂŽt
 Soudain, il se met Ă  parler en anglais. Il me dit :

— Je m’appelle Kurt. Et toi ?

— Scott.

— C’est NoĂ«l. Pourquoi se battre ?

— Oui. Pourquoi se battre ?

Je regarde derriĂšre lui et j’aperçois les sapins illuminĂ©s. Je lui demande :

— Qu’est-ce que vous faites avec ces arbres ?

Il se met à rire et me répond :

— Ce sont nos sapins de NoĂ«l. C’est la tradition dans notre pays. On les dĂ©core avec des bougies et on place les cadeaux Ă  cĂŽtĂ© du tronc. Les enfants adorent ça[3].

Je trouve cette idĂ©e Ă©tonnante. J’observe le jeune Allemand et je me dis : oĂč sont les tueurs d’enfants que nos journaux nous ont dĂ©crits ?

Il demande :

— Vous portez toujours vos kilts ? MĂȘme dans la boue ?

— Oui. C’est notre tenue.

Il a du mal Ă  me croire. Il sort quelque chose de sa poche et lance :

— J’ai une flasque de schnaps et des cigares, tu as du jambon ?

— Non, mais j’ai des cigarettes si tu veux, et du chocolat.

On Ă©change le peu de choses qu’on sort de nos poches. Je suis content, car le schnaps pourra me rĂ©chauffer dans la tranchĂ©e. On se regarde et on a chacun le mĂȘme sentiment d’incrĂ©dulitĂ©. Deux jours plus tĂŽt, on semait la mort avec nos balles
 et voilĂ  qu’on partage la vie en s’échangeant de la nourriture !
Les fraternisations[4]

 

L’Allemand et moi marchons un peu dans le no man’s land en discutant, mais le cadavre d’un cheval nous arrĂȘte. Il pue tellement qu’on est obligĂ©s de s’écarter. Depuis combien de temps est-il lĂ  ? Plus loin, on dĂ©couvre les corps de deux soldats français tuĂ©s dans les premiĂšres batailles. Ils sont Ă  moitiĂ© dĂ©vorĂ©s par les rats. Je dis :

— On ne peut pas les laisser comme ça. Il faut les enterrer.

Je demande Ă  un soldat de mon bataillon de se joindre Ă  nous, et Kurt avertit un de ses officiers. L’homme arrive avec des pelles. Nous creusons le sol gelĂ©, ensemble. Deux Britanniques et deux Allemands creusant une tombe pour deux soldats français ! Une fois que les dĂ©pouilles sont placĂ©es dans le trou, l’officier allemand prononce une priĂšre. Quelle drĂŽle de guerre


Kurt m’explique comment il vit dans sa tranchĂ©e : le froid, la vermine, la recherche d’un endroit sec pour dormir, les lettres de sa famille
 Je rĂ©alise que, chacun de notre cĂŽtĂ©, nous surmontons les mĂȘmes Ă©preuves. C’est un bon gars, pas diffĂ©rent d’un bon gars Ă©cossais. Au dĂ©tour d’une phrase, il m’avoue :

— Je n’aime pas cette guerre. Toi et moi, on est de la chair à canon.

Je le regarde dans les yeux. Je sais qu’il a raison.

La matinĂ©e passe dans ces Ă©changes. Nos officiers laissent faire. Je crois qu’ils comprennent que nous avons besoin d’une pause en ce jour si spĂ©cial de NoĂ«l. Une pause pour respirer, pour se sentir un peu humain, aprĂšs tant de semaines Ă  se battre et Ă  se terrer comme des taupes. D’un commun accord entre nous et les Allemands, une trĂȘve de coups de feu est dĂ©cidĂ©e pendant quelques jours

Au cas oĂč, sur l’ordre des officiers, l’un des deux camps voudrait rompre la trĂȘve, un coup de fusil devra ĂȘtre tirĂ© en l’air pour avertir le camp adverse.

Cette trĂȘve – je l’ai su plus tard – n’a pas Ă©tĂ© suivie partout. En ce 25 dĂ©cembre 1914, des soldats, ailleurs sur le front, sont morts fauchĂ©s par des obus ou abattus par des snipers[5], ces tireurs d’élite Ă  la prĂ©cision redoutable. Mais chez nous, l’armistice fut respectĂ©. Qui aurait pu croire Ă  une chose pareille ?

 

                   Le match de foot

Kurt et moi mangeons nos rations ensemble parmi d’autres gars de la troupe. Nous sommes tous mĂ©langĂ©s, Allemands et Britanniques. En levant la tĂȘte, je dĂ©couvre Jack Ă  quelques dizaines de mĂštres de nous. Il ne m’a pas aperçu.

— Eh ! Jack ! Viens nous rejoindre !

Il s’approche et me dit avec un regard noir :

— Tu fraternises avec l’ennemi. Qu’est-ce que ça va t’apporter ?

Il hausse les Ă©paules et s’éloigne.

L’aprĂšs-midi, des scĂšnes incroyables se dĂ©roulent dans le no man’s land. Par exemple, un Allemand coupe les cheveux Ă  un de nos gars. Un soldat ennemi nous prend mĂȘme en photo, Kurt et moi, comme deux vieux amis. Un gars de mon bataillon Ă©change des denrĂ©es contre un casque Ă  pointe !

Je demande Ă  Kurt :

— OĂč as-tu appris Ă  parler anglais ?

Il me répond :

— J’ai travaillĂ© un peu en Angleterre, dans la boutique d’un barbier.

Il me donne le nom de la ville et de la rue oĂč il a sĂ©journĂ©. C’est le quartier oĂč mon oncle habite ! Je suis en guerre contre quelqu’un qui a vĂ©cu juste Ă  cĂŽtĂ© d’oncle Jim ! On rit en pensant que Kurt lui a peut-ĂȘtre coupĂ© la barbe


AprÚs le « pique-nique », un de nos gars arrive avec une drÎle de surprise sous son bras : un ballon ! Il est accueilli par une ovation.

— On fait un match de foot ?

Les Allemands se consultent et nous donnent leur rĂ©ponse : ils sont d’accord. AussitĂŽt, on dĂ©limite nos buts avec nos calots. Les Saxons font pareil. Le sol est gelĂ©, mais peu importe. Je demande :

— Qui arbitre ?

Personne ne rĂ©pond. C’est normal
 tout le monde veut taper dans le ballon.

— On n’a qu’à arbitrer nous-mĂȘmes, propose Tom.

On lance la balle au milieu du terrain improvisé et on se jette dessus comme des chiffonniers.

— Scott ! Fais une passe !

Le match dure presque une heure. On rit, on tape, on tombe, on s’accroche. Les kilts des Écossais contre les pantalons des Saxons ! Nous marquons deux buts, mais les Allemands rĂ©ussissent Ă  nous en mettre trois.

— C’est pas perdu, les gars ! crie Tom. On peut encore les rattraper !

Il essaie de frapper la balle, mais il glisse et se retrouve les quatre fers en l’air. Les Saxons sont Ă©croulĂ©s de rire : ils viennent de s’apercevoir qu’on n’a pas de caleçon sous nos kilts ! Soudain, la balle s’élĂšve dans les airs et atterrit dans les barbelĂ©s.

— On doit arrĂȘter, nous dit un Allemand. C’est un ordre de notre commandement.

L’enthousiasme retombe d’un coup. On est tous déçus.

 

La fin de la trĂȘve

 

Le soir du 25 dĂ©cembre, aprĂšs avoir saluĂ© Kurt, je retourne dans ma tranchĂ©e. Jack ne me parle plus, mais ça m’est Ă©gal. Un jeune officier de notre bataillon me suit. Je le reconnais : il a engagĂ© la conversation avec un soldat allemand et ils ont partagĂ© quelques cigares. Je l’entends discuter avec d’autres officiers. Il dit :

— Le Saxon qui m’a parlĂ© est un super-sniper, le meilleur tireur de sa tranchĂ©e. Maintenant que je sais d’oĂč il tire, je compte bien le descendre demain.

VoilĂ  la triste vĂ©ritĂ© : s’il y a des fraternisations, des vraies, certains soldats font semblant de sympathiser pour mieux espionner les positions ennemies. L’essentiel est que Kurt et moi restions loyaux.

 

Le 26 dĂ©cembre, NoĂ«l est fini, mais dans notre secteur, la guerre n’a pas repris. Nous avons tous en mĂ©moire la journĂ©e de la veille et les Ă©changes amicaux avec les Saxons. Comment tirer sur ceux avec qui nous avons partagĂ© nos denrĂ©es, discutĂ© de nos cruelles conditions de vie et mĂȘme jouĂ© au foot ! Je retrouve Kurt une nouvelle fois dans le no man’s land. Il me prĂ©sente ses copains de tranchĂ©e, de bons bougres comme lui, qui auraient prĂ©fĂ©rĂ© passer NoĂ«l chez eux, en famille. Kurt me demande :

— Qu’est-ce que tu veux garder comme souvenir de moi ?

Je lui réponds :

— Les boutons de ta vareuse me plaisent bien.

Il n’hĂ©site pas ! Il les dĂ©tache un Ă  un et les dĂ©pose dans ma paume.

— Et toi, je lui demande. Qu’est-ce que tu veux ?

— Moi, je suis gourmand. Je veux tes cigarettes et ton chocolat !

Ses amis Ă©clatent de rire. Je donne mes rations et on est quittes. Ce jour-lĂ , l’officier que je n’aime pas essaie encore d’espionner les tranchĂ©es ennemies, mais les Saxons le repĂšrent. Ils lui ordonnent de s’écarter.

Notre Ă©tat-major[6] s’oppose Ă  nos trĂȘves improvisĂ©es. Évidemment, c’est la mĂȘme chose du cĂŽtĂ© allemand. Les hauts grades sont si furieux qu’ils demandent les noms des officiers qui ont soutenu nos « pactisations ». Ils veulent les sanctionner. Pour eux, la guerre doit reprendre Ă  tout prix. Dans notre secteur, un officier ordonne Ă  nos hommes de tirer sur les Allemands qui marchent dans le no man’s land. Nos soldats refusent parce que ce serait un acte dĂ©loyal. Et puis, ce qui devait arriver arrive
 Un officier nous dit :

— Alors comme ça, l’armistice est toujours en vigueur ?

Il prend son fusil et tue un Allemand, lĂąchement. En quelques minutes, un dĂ©luge de feu s’abat sur les lignes ennemies.

Ceux avec qui on a fraternisĂ© tombent comme des mouches. Ils ne chantent plus, ne rient plus. Ils hurlent de douleur. Je ferme les yeux et je bouche mes oreilles pour ne pas entendre cet enfer. Kurt est peut-ĂȘtre tombĂ© sous les balles. Je hurle aprĂšs l’officier, mais une explosion me projette dans les airs.

 

Je me rĂ©veille dans une infirmerie des lignes arriĂšre. On m’explique qu’un obus allemand a touchĂ© notre tranchĂ©e. Jack et l’officier ont Ă©tĂ© tuĂ©s dans l’explosion. Moi, j’y ai laissĂ© mon bras droit. Que vais-je devenir ? Je me retrouve seul avec mon dĂ©goĂ»t de cette guerre qui nous oblige Ă  tuer des hommes qui nous ressemblent. Je suis rapatriĂ© dans un hĂŽpital de Londres. Pour moi, la guerre est finie.

Mais un prĂ©nom et un nom restent gravĂ©s dans ma mĂ©moire, ceux de ce jeune Allemand avec qui j’ai sympathisĂ© : Kurt Friedheim.





[1] Sillon d’environ deux mĂštres de profondeur, creusĂ© dans la terre. Les tranchĂ©es sont protĂ©gĂ©es par des fils barbelĂ©s (et reliĂ©es entre elles). Elles servaient d’abri aux soldats. 

[2] Zone comprise entre les deux lignes ennemies.

[3] Cette tradition a été largement diffusée en Europe par la suite, mais à cette époque-là, dans les tranchées, seuls les Allemands la pratiquaient.

[4] Des soldats fraternisent lorsqu’ils cessent de se battre et nouent des liens de sympathie avec leurs ennemis. On parle alors de « fraternisation ».

[5] Tireur isolé.

[6] Commandement militaire.

Additional Hints (Decrypt)

Abhf uvffbaf abf pbhyrhef à yn zézbver qh cnffé rg 30 pbhcf qr pnaba frebag gveéf ,cbhe ar wnznvf bhoyvre.....

Decryption Key

A|B|C|D|E|F|G|H|I|J|K|L|M
-------------------------
N|O|P|Q|R|S|T|U|V|W|X|Y|Z

(letter above equals below, and vice versa)