MA PIEUVRE ET MOI
Pendant longtemps, je me suis demandĂ© qui vivait sous mon lit. Surtout juste avant de mâendormir.
   Il y avait quelquâun ou quelque chose cachĂ© lĂ .
   Et je ne savais pas quoi.
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   La journĂ©e, jâavais le courage dâaller voir de plus prĂšs. Mais je trouvais seulement de vieilles chaussettes ou des moutons de poussiĂšre. Ce truc devait arriver en secret, Ă la nuit tombĂ©e. Dans le noir, je savais que câĂ©tait lĂ , en dessous. Je nâosais plus bouger.
   Moi qui aimais tant laisser traĂźner un pied hors du lit, Ă lâair libre, comme sur une barque au fil de lâeau, pour sentir le frais de la nuit ! Je gardais mes pieds au chaud, les oreilles bien dĂ©ployĂ©es. Et je ne me dĂ©couvrais pas. Je rangeais mes bras sous le drap et je ne bougeais plus, la couverture tirĂ©e jusquâau-dessus du nez, pour laisser le moins de parties exposĂ©es.
Mais, au bout dâun moment, jâavais chaud lĂ -dessous.
   Je remuais trop et mon lit se dĂ©faisait. CâĂ©tait risqué⊠Parce que la chose aurait pu se glisser entre les draps.
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   Ma position prĂ©fĂ©rĂ©e, câĂ©tait sur le ventre, la joue contre lâoreiller, mais lĂ , pas question : elle en aurait profitĂ© pour se jeter sur mon dos dâun seul bond. Je ne savais plus comment mâinstaller.
   Sur le cĂŽtĂ©, la chose aurait pu mâattaquer par derriĂšre. Si je me retournais, elle aurait fait lâinverse⊠Et si elle avait tout un tas de bras⊠trĂšs longs ? Elle aurait mĂȘme pu mâattraper des deux cĂŽtĂ©s Ă la fois. Il fallait rester aux aguets, calĂ©e bien au milieu du matelas.
   Plein de bras⊠CâĂ©tait sĂ»rement ça, avec des ventouses en plus. CâĂ©tait dâailleurs pourquoi je trouvais que ça ne sentait pas trĂšs bon sous mon lit.
   Il fallait bien que je regarde la chose en face : sous mon lit vivait une PIEUVRE GĂANTE !
Câest bizarre, quand jâai devinĂ© ce que câĂ©tait, jâai eu moins peurâŠ
   Jâimaginais qui venait me chatouiller les doigts de pied du bout de ses tentacules.
   Ou qui soulevait mon lit pour le faire tanguer comme sur un manĂšge de fĂȘte foraine.
   Si jâĂ©tais tombĂ©e malade, elle aurait sĂ»rement tĂątĂ© mon front brĂ»lant pendant la nuit, pour voir si ma fiĂšvre baissaitâŠ
   Et si jâavais du mal Ă mâendormir, elle aurait fait un tas dâombres chinoises sur le mur, jusquâĂ ce que je trouve le sommeil.
   Alors, elle mâaurait doucement bordĂ©e dans mon lit avant dâaller se recoucher en dessousâŠ
Câest comme ça quâon est devenues plutĂŽt copines, ma pieuvre et moi, sans sâĂȘtre jamais vues.
   Je me disais dâailleurs quâil ne fallait pas quâelle devienne trop collante non plus.
   On nâavait pas gardĂ© les cochons ensemble, tout de mĂȘmeâŠ
   Je nâaurais pas tellement aimĂ© quâelle mâenlace et mâembrasse. Les pieuvres sont affectueuses, câest connu.
   Câest en pensant Ă elle que je me suis endormie.
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   Le lendemain matin, jâai regardĂ© sous mon lit.
   Elle était déjà partie, encore une fois avec une de mes chaussettes.
   Franchement, je ne sais pas ce quâelle peut en faireâŠ
JâĂ©tais en retard. Jâai vite prĂ©parĂ© mon cartable, rangĂ© mes cahiers et jâai trouvĂ© de grosses, trĂšs grosses taches dâencre dessus.
   CâĂ©tait elle qui avait dĂ» sâamuser pendant la nuit.
   Câest ce que jâai dit Ă ma mĂšreâŠ
   Mais elle ne mâa pas crue.