Dans la sĂ©rie des Glises : ChozeauÂ
Charles de RivĂ©rieulx, comte de Chambost et propriĂ©taire du château de Poisieu souhaite la concession d’une petite chapelle de l’église. Il propose en contrepartie le financement de l'agrandissement de l’église de Chozeau. Nous sommes en 1872. Â
Quinze ans plus tard les travaux sont rĂ©alisĂ©s.Â
Entre temps, tous les soirs, en bas, dans les cuisines du château de Poisieu, Mariette prĂ©pare une dĂ©coction de plantes pour soigner les maux de sa maitresse. Elle chantonne. Elle sait sa journĂ©e presque achevĂ©e et une fois portĂ© le breuvage Ă l’étage elle n’aura plus que quelques prĂ©paratifs pour le service du lendemain et sera libre. Libre de quoi vous demandez-vous ? Â
Libre de s’adonner Ă sa passion secrète, libre de ne pas recevoir d’ordres et d’oublier les contraintes de sa vie quotidienne au château, de partir en imagination.Â
Mariette va avoir 16 ans et n’a connu que ce château. Et pour le connaitre, elle le connait. Née d’Aimée et de Roger, tous deux domestiques, elle n’est sortie du domaine que peu de fois, et toujours accompagnée. Alors le château, elle l’a parcouru en tous sens et en connait tous les recoins. Des caves aux combles, mais aussi des terres environnantes car le domaine est grand. La mare, le ruisseau, les bois, les jardins, les dépendances... Son monde.
La passion de Mariette, c’est le gĂ©ocaching ! Â
Quoi ? Mais n’importe quoi, cela n’existait pas Ă l’époque ! Â
Je vous entends d’ici...Â
Je concède que si le nom est dĂ©posĂ© depuis peu et n’existait pas Ă l’époque, Mariette avait cependant une activitĂ© assez semblable.Â
Le soir, elle Ă©crivait des histoires pour ses frères et sĹ“urs dans un petit carnet. AppliquĂ©e, Ă la plume d’oie, Ă la lueur de la bougie, Mariette savait Ă©crire ! Sa maitresse lui avait fait apprendre Ă lire et Ă former de jolies lettres. Elle transmettait cela Ă ses cadets. Chaque matin, avant l’heure du coq, ils se prĂ©cipitaient dans sa chambre pour dĂ©couvrir une nouvelle histoire. Â
Notre jeune Ă©crivaine racontait de petites choses pour faire deviner l’emplacement d’un objet cachĂ© par ses soins dans les jardins, les bois ou parfois, et surtout en hiver, dans le château. Â
Ses deux frères et deux sĹ“urs se battaient ensuite pour trouver la boite, rĂ©cupĂ©rer le rouleau de papier qui s’y trouvait et y apposer leurs initiales. Â
Parfois la boite n’était pas trouvĂ©e dans la journĂ©e, et le lendemain une nouvelle devait ĂŞtre dĂ©couverte. Les petits dĂ©barquaient encore plus excitĂ©s pour demander un indice sur la boite de la veille. Â
Bastien, le petit dernier, grand père de la personne par qui je peux vous rapporter cette histoire, se souvenait qu’une boite fut introuvable pendant plusieurs mois, les avait rendus dingues. Fous Ă tel point que tout le monde s’était mis en quĂŞte de cet introuvable graal, mĂŞme les gens du village et d’alentours, dont certains venaient plus pour le trĂ©sor que pour le fallacieux motif de leur visite. Â
Mais il Ă©tait frĂ©quent que les boites fussent difficiles Ă trouver. Â
Tous les mois on faisait le compte. Qui avait trouvĂ© en premier le plus de boites, combien en restait-il Ă dĂ©couvrir... Â
Quand Mariette quitta ce monde, Bastien hĂ©rita des carnets remplis d’histoires de sa sĹ“ur ainĂ©e. Il les transmit accompagnĂ©s de ses mĂ©moires Ă sa fille, qui fit de mĂŞme Ă sa descendance. Â
Je les ai vus, de mes yeux, de mes doigts. Il y en a tout une caisse en bois. Un vĂ©ritable trĂ©sor de petites histoires, d’imaginations, de commentaires sur les dĂ©couvreurs et de notes sur les emplacements. Â
Malheureusement, un incendie emporta ce trĂ©sor un soir de dĂ©cembre de l’an deux mille. Les circonstances restent mystĂ©rieuses, sinon ce ne serait pas intĂ©ressant, et l’on raconte que bravant les flammes, quelqu’un aurait sauvĂ© la caisse de Mariette.Â
Quant Ă l’église, une rumeur persistante de trĂ©sor cachĂ© dans ses murs persiste. Et si l’on sait que Mariette Ă©pousa Baptiste, un excellent maçon venu pour le chantier, on pourrait ĂŞtre tentĂ© d’y croire non ?Â
Pour la cache, elle n’est pas dans les murs, mais dans la verdure un peu Ă l’écart. Soyez discrets, et si vous entendez parler d’une caisse de carnets, envoyez-moi un message.Â
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