En 1969, la compagnie TOTAL poursuit une stratégie d’aménagements industriels de ses stations-services et souhaite une image de marque qui la ferait se différencier radicalement de ses concurrents. Elle se tourne alors vers l'architecte Jean PROUVÉ, déjà renommé pour sa maîtrise des matériaux préfabriqués en architecture. C’est le dessinateur Serge BINOTTO de son cabinet d’architecte qui va donner forme à la station-service circulaire de Total. Cela devient partie intégrante de l’image de marque de la compagnie énergétique. Le concept est totalement révolutionnaire, la station multiservices est née avec son restaurant, ses produits en vente…, l’idée de permettre à l’automobiliste et ses passagers de se restaurer et faire de petits achats en faisant le plein d’essence est née.
Le principe est un bâtiment à structure rayonnante en aluminium, articulé autour d’un fût central et de poteaux périphériques. La façade est de forme polygone quasiment sphérique (Les 13 panneaux en polyester et verre ainsi que le toit sont fabriqués en usine). Les couleurs utilisées sont celles du logo de Total à savoir, le rouge, le bleu et l’orange. Il s’agit d’une structure qui s’adapte à n’importe quel terrain et on en trouvera ainsi sur les bords des routes et autoroutes de tout l’Hexagone.
La superficie occupée est de 150 m2; et la construction a soit un seul étage, soit deux étages l’étage supérieur étant alors prévu comme logement de l’exploitant de la station-service.
Plus d’une centaine de ces stations-services vont être construites entre 1969 et 1972. Seules trois continuent à fonctionner : deux à Marseille (Bon Secours – Photo 1 et à St Loup – Photo 2) et une à Beure en Franche Comté. Cette dernière est inscrite à l’inventaire des monuments historiques depuis 2013 (Photo 3).
Toutefois si beaucoup ont été détruites, d’autres ont été démontées pour être conservées et certaines ont été rénovées.
Elles sont devenues des pièces de collection qui peuvent reprendre vie d’une manière inattendue.
On peut citer :
En Dordogne dans le Périgord, une de celles-ci achetée à Nancy (pour 202 000 € en 2008 lors d'une vente aux enchères publiques) puis démontée a été réaménagée et transformée en gîte haut de gamme dans le respect de l’esprit "vintage" qui caractérise les constructions de Jean PROUVÉ. (Photo 4)
A Nantes dans le cadre de "Estuaire 2009", une d'entre-elles a été aménagée en un point d'information "Nantes Tourisme" (Photo 5). Une petite pensée pour "Marie" ma petite belle-sœur nantaise qui m'a fait découvrir les stations-services de Jean PROUVÉ.
Le principe de la mobilité qui est le point central de l'œuvre de Jean PROUVÉ a finalement permis à ses stations-services de survivre.
Jean PROUVÉ (Paris 8 avril 1901 - Nancy 23 mars 1984), est un architecte et un designer autodidacte. Il est le fils de l’ébéniste art nouveau Victor Prouvé. Il est considéré comme l’un des grands inventeurs des structures de l’architecture du XXe siècle.
Ferronnier d’art, ingénieur et industriel, mais aussi inventeur humaniste, il a mis au point de nombreuses solutions techniques innovantes et ses créations - mobilier, panneaux de façade
ou bâtiments - comptent parmi les témoignages les plus significatifs de la période moderne.
En 1919, il part apprendre la ferronnerie d’art dans les ateliers d’Émile Robert à Enghien. Il a au cours de sa carrière développé une autre manière de penser l’architecture à partir des principes constructifs et des détails de fabrication. Son œuvre réunit du mobilier, des éléments constructifs réalisés avec les plus grands architectes et ingénieurs comme les projets de maisons simples "La Maison des Jours Meilleurs" créées à la demande de l’abbé Pierre en 1956 ou des constructions plus prestigieuses comme les façades de l’U.N.E.S.C.O. en 1969 ou du Siège du Parti Communiste français avec Oscar Niemeyer en 1970.
De 1957 à 1970, il occupe la chaire d’Arts appliqués du Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris.
Devenu en 1957 responsable du département « bâtiment » d’une société industrielle (CIMT), Jean PROUVÉ met au point des systèmes de façades légères qui bénéficient de ses recherches antérieures et dont l’élément déterminant est le profil raidisseur. Son statut d’ingénieur-consultant est officialisé en 1966, quand il ouvre un petit bureau d’études où s’élaborent des projets qui feront date.
Aujourd’hui cet architecte est très renommé, certaines de ses réalisations sont devenues des Monuments historiques et ses œuvres mobilières sont très cherchées.
La station-service de Neuville-sur-Saône a été transformée en salon de coiffure en 2012. (Photo 6)