Dans la série des Glises : Cessieu
Il Ă©tait une fois, dans un bois, un vieux quâon appelait NoĂ©. Il avait une barbe blanche fort longue, sâhabillait comme son homonyme sauveur de bestioles et recueillait lui aussi les animaux perdus, abandonnĂ©s, mal traitĂ©s, blessĂ©s etc.
NoĂ© avait eu un accident dans la forĂȘt un jour dâil y a longtemps. Il y avait Ă©changĂ© sa mĂ©moire et sa personnalitĂ© contre cet amour des bĂȘtes et de la nature. Personne au village ne se souvient de lâavant de cet homme. Tout le monde vous dira quâil a toujours Ă©tĂ© lĂ . MĂȘme les anciens.
Dans la journĂ©e, vous pourriez le croiser par-ci par-lĂ , se promenant, son chien Cassius Ă ses cĂŽtĂ©s. Il est souriant, vous salue aimablement dâun geste ou dâune inclinaison de la tĂȘte, mais ne fait pas la conversation. Il ne parle pas, NoĂ© non plus.
Je lâai rencontrĂ© un jour, assoupi ici, lĂ oĂč vous trouverez la boite Ă loguer. Il faisait sombre, je rentrais du travail, fatiguĂ©. Un lĂ©ger brouillard enveloppait le village dans un duvet quasi soyeux. La cloche de la Glise venait de sonner plus de 9 coups. Il Ă©tait lĂ , il dormait dâun Ćil, mais lâautre Ă©tait bien fermĂ© aussi. Un lĂ©ger ronflement signalait sa prĂ©sence, ainsi que la tĂȘte de Cassius qui lui mâavait entendu arriver mais nâavait pas bien bougĂ©.
Sa tĂȘte se redressa, il me vit, me sourit puis referma ses yeux. Je lui souhaitais le bonjour, il ne rĂ©pondit pas, Cassius non plus.
Cette rencontre me laissa une Ă©trange impression. Un grand soulagement, comme un poids retirĂ© des mes Ă©paules. Je me souviens que cette nuit lĂ , mon sommeil fut profond et reposant. Ătrange.
Quelques temps plus tard, deux ou trois saisons, un soir, fatiguĂ© encore, Ă croire que le soir jâai soit tout donnĂ© au boulot, soit je fatigue vite⊠un soir donc, je le croisais Ă nouveau plus loin. Il nâavait pas changĂ©. Comme si le temps nâavait pas dâimpact sur lui. Et pareil, une sorte de regain dâĂ©nergie sâempara de moi.
En interrogeant les gens du village, jâappris quâil ne vieillissait pas, en effet. SĂ»rement cette longue barbe poussait peut-ĂȘtre un peu, mais câĂ©tait bien tout, il marchait tous les jours, tranquillement, mais tous les jours ; quâil vente, neige, pleuve ou fasse une chaleur Ă rester dans le noir. Comme si les Ă©lĂ©ments nâavaient pas de prise sur lui. Ils nây avait pas que les Ă©lĂ©ments. Certains aussi disaient le grand bien quâils ressentaient aprĂšs lâavoir croisĂ©. MystĂšre.
Un jour, au bar dâĂ cĂŽtĂ©, je lançais la conversation sur ce bonhomme. Les aventures les plus extravagantes furent racontĂ©es. TantĂŽt il avait sauvĂ© le village des eaux, tantĂŽt il veillait sur les Ăąmes, punissait les enfants pas sages et les maris coureurs. On lui attribuait tous les bienfaits du village mais on faisait attention Ă ne pas lâoffenser.
Comment se faisait-il que ce genre de hĂ©ros, de phĂ©nomĂšne, ne soit pas connu dans toute la rĂ©gion et plus loin encore ? Je mâĂ©tonnais⊠Un genre de dieu en vadrouille, mutique et bĂ©nĂ©fique. Un Cassius gĂ©ant Ă ses cĂŽtĂ©s. Je dis gĂ©ant mais lĂ les tĂ©moignages divergent. Un petit chien inofensif pour certains, un molosse pour dâautres, un quasi St Bernard aussiâŠ
La soirĂ©e sâallongeait avec les histoires de NoĂ©. Les verres se vidaient et sâempilaient.
Mathilde, derriĂšre son comptoir avait terminĂ© de ranger les derniers verres secs. Nous nâĂ©tions plus que tous les deux. Elle plongea ses yeux dans les miens et me demanda : « Tu y crois vraiment Ă ces lĂ©gendes ? »
« Mais ce ne sont pas des légendes, il existe bel et bien enfin. » répondis-je.
« Oui oui⊠les légendes existent... » ricana-t-elle en tapotant mon front de son index.
Je nâai plus jamais revu NoĂ© depuis. Et je me suis mariĂ© avec Mathilde⊠Je tiens le bar de temps en temps et surprends parfois une conversation autour de NoĂ©, « la fille ne boite plus », « son mari est revenu », « les rayures sur ma voiture ont disparu... »
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Quant Ă cette Glise, Ă©difice enserrĂ© dans le bourg, trĂšs proche des habitations sur son cĂŽtĂ© sud, elle est constituĂ©e dâune haute nef formant un volume continu sous une mĂȘme toiture - de la façade jusquâau chevet Ă trois pans - sur laquelle se greffent, de part et dâautre de la 4e travĂ©e, deux chapelles plus basses.
Un clocher Ă flĂšche octogonale avec de trĂšs hauts pyramidions lui est accolĂ© au nord du chĆur. Pourvue dâune façade typiquement nĂ©o-gothique (portail surmontĂ© dâune archivolte en arc brisĂ© retombant sur de petites colonnettes, triplet de baies Ă lâĂ©tage), lâĂ©glise se distingue par lâemploi, en guise de contreforts, de deux rangs de colonnes dâinĂ©gale hauteur et dâinspiration antique qui vont jusquâĂ habiller les angles du clocher. DĂ©doublĂ©es aux angles, ces colonnes rythment les travĂ©es, percĂ©es de baies en partie haute.
Le volume intĂ©rieur est couvert de voĂ»tes dâarĂȘte aux nervures au simple profil en tore, sĂ©parĂ©es par des doubleaux plus Ă©pais en arc brisĂ©. Des colonnettes au dĂ©cor marbrĂ©, adossĂ©es Ă des piliers engagĂ©s contre les murs, reçoivent la retombĂ©e des diffĂ©rentes nervures, crĂ©ant une impression de âdemi-pilesâ. Ce traitement dĂ©coratif de la modĂ©nature trouve son apogĂ©e dans le chĆur (oĂč les quartiers de voĂ»te sont eux-mĂȘme subdivisĂ©s en liernes et tierceron) vers lequel le regard converge. (eau de source : https://www.cessieu.fr/le-village-patrimoine/170/eglise-saint-martin )