« Si, soucieux de son devoir, le garde-barrière exécute fidèlement la consigne qui lui ordonne de fermer des barrières cinq minutes au moins avant l’heure d’arrivée de chaque train, il est exposé aux injures des charretiers ou de paysans grossiers. Si, souffrant, il ne va pas assez vite au gré d’un gros bonnet de la contrée qui se présente avec son équipage, il doit se résigner à supporter, sans mot dire, les rodomontades du notaire, du maire, de l’adjoint ou du candidat député, qui le menacent de l’ingénieur, du chef de section, ou du piqueur dont ils sont généralement les amis.
Si, justement irrité des injures, des insultes ou des impertinences dont on l’accable, le garde-barrière risque une réponse un peu sèche sans être impolie, il est immédiatement l’objet d’une plainte qui lui attire une amende ou une réprimande suivant la qualité du plaignant ou l’importance de l’incident. D’autre part, si pour éviter des scènes désagréables ou conserver la faveur de quelque notable des environs, il a pour lui quelques complaisances, une nouvelle punition ne tarde pas à suivre, quand le fait est connu, et il l’est toujours, car le paysan dans sa jalousie féroce, ne recule pas devant la délation calomnieuse.
Le garde-barrière doit donc être, non seulement un agent modèle, mais encore un diplomate, sachant concilier avec le soin de plaire à tous, les charges que lui impose sa responsabilité, et elle est grande. » Article de Emile Dufour
Les employés des chemins de fer
Paris 1891