Prière pour délier les sources d’oraison
Petite source que tu saignes au ventre de la colline
O ma source qui te mire à l’envers des pierres où la veine fuit dans le creux des arbres
Toi la source qui gronde en tes bouillons de grottes à faire chanter les orgues
Petite source au caprice des argiles qui te dévorent en leur porosité
Je t’appelle à délivrer la terre meulière.
Par la vertu des coudriers qui mentent comme ils tremblent de désirs,
Par le charme des aiguillettes nouées aux branches de saule,
Par la souche des oliviers qui piétinent ton tertre futur
des lancettes argentées de leur feuillage,
Par les touffes de lavandin qui chantent aux amandiers
ton apparition sous le plumet des roseaux,
Il est temps que tu sourdes.
Pour les sauges, les thyms, les verveines et toute la tribu des graminées
empiffrant les abeilles qui halètent
Pour la chaleur du bois de pin qui crisse de cigales
sur les aiguilles rousses de ta couronne
Pour la tête feuillue des mûriers dans l’abondance
des noirs papillons qui savourent ton approche
Je prie le Dieu sec et cireux des grandes terres assoiffées
Qu’une petite source délie les eaux prisonnières du déboisement
Et qu’en se déliant les fontaines reçoivent le bras d’eau glacé libérant la saison atrachèle au déduit des griffons
Je dis par l’évocation des Saints Pancrace, Jeannet, Elzéard, Julien, Firmin,
Honorat, plantés entre l’Asse et la Bléone au langage des hommes
Que les eaux des Bronzets, des Allemands, des Pardigons, des Exubis,
de Vaurichard, de la Fouile et des Paurilles affluent au lit de la Rancure
Que les eaux du Vaudonnier, des Cardaires avec l’ Embruissier
et jusqu’en Rabette de Metzel, rejoignent les compagnes de l’Asse
Et je vais écouter le premier filet auréolant l’évier
que je lèche en l’attente d’un doigt aimé.
Le tambourinaire des sources
Librairie Saint-Germain-des-Prés éditeurs,
(Poésie-Club), 1970