Meuliéres "Les Onchères"
La meulière des Onchères se situe sur le versant nord de ce gouffre, en contrebas de la route menant du col des Egaux au chef-lieu du village. Elle entame la base d'une falaise de grès haute d'une quarantaine de mètres, en alignant des tubes d'extraction parallèles les uns aux autres, d'un diamètre de 127 cm à 190 cm et atteignant jusqu'à une dizaine de mètres de hauteur. Dans ses parties moins spectaculaires, le site forme des balcons ou des "abris sous roche" accrochés à mi-pente, eux aussi creusés à coups de "tubes" de 2 à 4 m de haut, ou bien entame de gros blocs tombés de la falaise. A de rares exceptions près, notamment lorsque les artisans commençaient un nouveau tube, les meules ont été taillées sur un plan horizontal en suivant peu ou prou le plan de sédimentation, par l'ouverture à coups de pic pointu d'un fossé annulaire à profil en V de 40 cm de large à la gueule. Les traces d'outils ont été conservées dans les parties les plus abritées du site : elles forment des marques en diagonale, parallèles les unes aux autres, de 22 cm de long pour 2 cm de large. Une fois le fossé annulaire terminé, le décollement de l'ébauche était obtenu à l'aide d'emboîtures de 8 cm de long pour 6 de profondeur, accueillant vraisemblablement des coins de fer. Les quelques ébauches accidentées visibles sur le site ont un diamètre de 118 à 130 cm pour une épaisseur de 20 à 23 cm, soit des dimensions caractéristiques de l'époque médiévale. L'ensemble du chantier mesure 230 m de long, ce qui le range parmi les plus grandes meulières du massif de Chartreuse. Son ampleur a été telle qu'en plusieurs points, les cavités creusées par les meuliers ont provoqué l'effondrement de pans entiers de la falaise, remodelant le paysage et enfouissant du même coup sous des milliers de mètres cubes de pierre et de terre de larges sections de leurs fronts de taille, une partie de leurs ateliers et jusqu'aux chaussées qui les desservaient. Les dimensions importantes du site, l'aspect rationnel de son exploitation, à la pointe des techniques meulières, sa datation contemporaine d'une époque à laquelle les moines de la Grande-Chartreuse disposaient des droits seigneuriaux de Corbel, incitent à voir dans le fameux monastère l'initiateur de l'entreprise. A l'image des hospitaliers des Echelles avec la meulière de Berland, des seigneurs de Quaix avec le Crêt de la Molère, ou encore des chartreux eux-mêmes dans le cas de la meulière des Ecouges, les disciples de saint Bruno auraient donc su tirer tout le meilleur parti de leur sous-sol, exploitant les mines de fer de Bovinant, aux portes de leur monastère, et les meulières de Corbel, aux portes de leur Désert.
