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Marie Pape-Carpantier, nĂ©e Marie JosĂ©phine Olinde Carpantier Ă La FlĂšche le 10 septembre 1815 et morte Ă Villiers-le-Bel le 31 juillet 1878, est une pĂ©dagogue et fĂ©ministe française. LiĂ©e aux mouvements fouriĂ©ristes, peut-ĂȘtre aussi Ă la franc-maçonnerie, elle combat la misĂšre et lâinjustice sociale, lutte pour lâĂ©ducation des filles, milite pour la question des femmes. Elle est rĂ©voquĂ©e en 1874 â Ă 59 ans â pour libre pensĂ©e. Elle rĂ©nove l'enseignement de la petite enfance et est ainsi la pionniĂšre de l'enseignement prĂ©-Ă©lĂ©mentaire en France. Elle a Ă©crit des articles dans L'Ăconomiste français, hebdomadaire Ă©conomique fondĂ© en 1862 par Jules Duval.
Une jeune fille issue du peuple
Lorsque Marie Carpantier naĂźt en 1815, La FlĂšche est une ville paisible qui sâordonne autour de lâancien collĂšge des JĂ©suites que NapolĂ©on a transformĂ© en PrytanĂ©e militaire. Câest une ville oĂč, selon Colette Cosnier : « il fait bon vivre dans ses maisons de tuffeau aux toits dâardoises ». Ses parents y arrivent par les hasards de la vie militaire. Son pĂšre, AndrĂ© Carpantier Ă©pouse JosĂ©phine Rose. Ils ont deux enfants et Mme Carpantier est de nouveau enceinte en 1814. En 1815 Ă La FlĂšche, les Cent Jours voient Ă©clater une insurrection royaliste au cours de laquelle AndrĂ© Carpantier est tuĂ© lors dâune fusillade. Il meurt le 21 mai. Sa femme va dĂšs lors vivre dans la pauvretĂ©, la douleur et la misĂšre. Le 10 septembre Ă 8h du soir naĂźt Marie JosĂ©phine Olinde. Afin de subvenir aux besoins de ses enfants, JosĂ©phine Carpantier trouve un emploi de lingĂšre Ă la « taillerie » du CollĂšge royal et doit se rĂ©signer, faute de moyens pour payer une nourrice, Ă confier Marie Ă sa grand-mĂšre, dentelliĂšre Ă Alençon jusquâau moment oĂč elle pourra aller Ă lâĂ©cole.
Marie revient Ă la FlĂšche Ă lâĂąge de quatre ans, mais elle nâaime guĂšre lâĂ©cole, entre autres Ă cause de la punition quâelle a subie pour s'ĂȘtre battue avec une autre fillette. Elle a dĂ» porter une robe de pĂ©nitence. Ceci l'a humiliĂ©e et elle n'a pas compris cette punition. Ă 11 ans, Marie quitte lâĂ©cole pour aider sa mĂšre dans ses travaux de couture. Elle part dĂšs lors en apprentissage de repasseuse puis de gantiĂšre. Ă lâĂ©poque, les enfants travaillaient dans les manufactures et il faudra attendre la loi du 22 mars 1841 pour quâil soit interdit dâemployer des enfants de moins de huit ans et des journĂ©es de huit heures pour les moins de douze ans.
Une femme dans lâinstitution Ă©ducative
Les salles d'asile Ă lâĂ©poque de la loi Guizot
Marie Pape-Carpantier, photographie non datée.
En 1833, la loi Guizot oblige chaque commune Ă ouvrir une Ă©cole primaire. La mĂȘme annĂ©e, Jean-Denis Cochin publie Le Manuel des salles dâasile. Ce manuel donne des conseils sur le fonctionnement de ces Ă©tablissements, des modĂšles dâemploi du temps, etc. Ce projet dâouverture des salles dâasile est destinĂ© aux enfants de deux Ă six ans issus des milieux pauvres. Les salles ont Ă la fois pour but lâĂ©ducation des enfants et de libĂ©rer les femmes de la contrainte de garder leurs enfants. Ce projet est adoptĂ© sur le plan national. Cette institution est Ă lâorigine de lâĂ©cole maternelle. DĂ©jĂ , en 1826, en France, une initiative fĂ©minine avait abouti Ă la crĂ©ation dâun Ă©tablissement pouvant recevoir quatre-vingts enfants. Cependant, en 1833, les salles dâasile sont encore une invention rĂ©cente et peu de villes en possĂšdent (9 Ă Paris et Strasbourg, 4 Ă Lyon, 1 Ă Chartres).
Dans la Sarthe, les municipalitĂ©s multiplient les loteries, fĂȘtes de charitĂ© afin de financer leur installation. Ă la FlĂšche, un projet dâouverture est confiĂ© Ă la mĂšre de Marie en 1834. La salle est fondĂ©e le 27 fĂ©vrier 1834. Dans cette commune, lâinstallation semble trĂšs rudimentaire : il sâagit plus dâun lieu oĂč lâon garde les enfants loin des intempĂ©ries et des mauvaises rencontres quâun lieu dâĂ©ducation. Les activitĂ©s proposĂ©es sont de courte durĂ©e afin de ne pas ennuyer et dĂ©goĂ»ter les enfants : priĂšre, instruction, travail manuel et rĂ©crĂ©ation. Marie Carpantier participe Ă lâencadrement des enfants, tout en se formant Ă la FlĂšche puis au Mans. Elle commence comme simple surveillante. Le 20 dĂ©cembre, elle est nommĂ©e Ă la direction de la salle dâasile. ĂgĂ©e de dix-neuf ans seulement, elle est responsable dâune centaine dâenfants. Elle reçoit des conseils de Claude Pape, directeur de la salle d'asile du Mans, et de Jean-François Philippe de Neufbourg, un enseignant et un fouriĂ©riste, qui a connu son grand-pĂšre. Marie Carpantier, directrice, doit ĂȘtre prĂ©sente de sept heures du matin en hiver et neuf heures en Ă©tĂ© jusquâĂ huit heures du soir et elle doit enseigner les premiers principes : instruction religieuse, notions Ă©lĂ©mentaires de lecture, dâĂ©criture, de calcul auxquelles sâajoutent les chants, la couture et lâouvrage manuel.
En 1839, Marie tombe malade. Elle est Ă©puisĂ©e par tout ce travail et par les responsabilitĂ©s auxquelles elle doit faire face. Les familles la regrettent ainsi que lâinspecteur de lâinstruction publique qui dĂ©clare : « on ne peut espĂ©rer retrouver plus facilement dans une directrice le rare mĂ©rite qui distinguait mademoiselle Carpantier ». Elle devient demoiselle de compagnie auprĂšs d'une riche FlĂ©choise avec qui elle se lie dâamitiĂ©, et se consacre Ă©galement Ă l'Ă©criture. Puis elle reprend ses activitĂ©s passĂ©es.
Le 4 juillet 1842, on lui confie la direction de la principale salle dâasile du Mans. Mais Marie nâaime pas la façon dont ces salles sont dirigĂ©es et nâapprĂ©cie pas la « mĂ©thode » prĂŽnĂ©e par Le Manuel des salles dâasile, qui Ă lâĂ©poque devait ĂȘtre suivi de maniĂšre trĂšs rigoureuse. Selon elle, « la mĂ©thode câest la lettre morte. Il faut que lâinstituteur apporte la couleur, le mouvement, lâĂ propos, lâavis ». Elle insiste sur lâimportance de la « leçon de choses », quâelle conçoit comme une approche de la connaissance avant tout sensible, faite de sensations et dâintuitions plus que de principes, permettant aux jeunes enfants dâouvrir leur intelligence et de sâapproprier le monde Ă travers le corps et son langage. Marie Carpantier reste au Mans pendant cinq ans.
Marie Pape-Carpantier, directrice et pédagogue
DĂšs 1845, Marie Pape-Carpantier propose de changer la salle dâasile en « Ă©cole maternelle ». Lâobjectif, semblable Ă celui des salles dâasile, est de rĂ©pondre aux curiositĂ©s de lâenfant, dâattirer son attention sur le monde. Le but premier nâest donc pas dâen faire de petits savants puisque lâon ne pratique que lâinitiation : lecture, Ă©criture⊠Lâenfant a besoin de sâamuser et ce lieu rĂ©pond parfaitement Ă cela. En 1846, elle publie Conseils sur la direction des salles dâasile (remarquĂ© par le ministre de l'Instruction publique, lâacadĂ©micien Narcisse-Achille de Salvandy). La rĂ©volution de 1848 Ă©clate. Elle prĂ©sente son projet au nouveau ministre de l'Instruction publique, Lazare Hippolyte Carnot, pĂšre du futur prĂ©sident de la RĂ©publique Sadi Carnot. La haute commission des Ă©tudes sâoccupe de la rĂ©forme des salles dâasile. En effet, leur nom rappelle trop la misĂšre et lâaumĂŽne. Il est remplacĂ© par celui dâĂ©cole maternelle. LâarrĂȘtĂ© est signĂ© le 28 avril 1848 par Carnot. Elle est nommĂ©e Ă Paris comme directrice de la « maison dâĂ©tudes » destinĂ©e aux futurs enseignants et directrices de maternelle. Marie Pape-Carpantier devient directrice de cette Ă©cole normale maternelle Ă Paris, et le reste pendant 27 ans. En 1849, elle Ă©pouse le lieutenant LĂ©on Pape, fils de Claude Pape, lâancien directeur de la salle dâasile du Mans.
Le terme dâĂ©cole maternelle retombe dans lâoubli jusqu'Ă ce que Jules Ferry alors ministre de lâInstruction publique, et son chef de cabinet, Ferdinand Buisson, influencĂ©s par Pauline Kergomard ne lâimpose Ă nouveau. en 1881 dans les lois Jules Ferry.
Sous le Second Empire, elle est inspectrice des salles dâasile placĂ©es sous la protection de lâimpĂ©ratrice EugĂ©nie. En 1861, Marie Pape-Carpantier dirige le cours pratique et forme donc les enseignantes, qui, dâaprĂšs les derniers textes, devront peu enseigner. Par la suite, elle se consacre Ă lâĂ©ducation des filles. Mais le sujet s'avĂšre dâune grande complexitĂ©. Par le biais de ses livres, Marie Pape-Carpantier fait un plaidoyer, afin que ceux qui ont le pouvoir se soucient de lâinstruction des femmes pour enfin leur faire la place dont elles sont dignes. Elle est alors considĂ©rĂ©e comme une fĂ©ministe notamment Ă cause de la rĂ©daction de sept articles sur la question des femmes, « une question de justice et de bien ĂȘtre, intĂ©ressant la sociĂ©tĂ© et lâhumanitĂ© ». Il faut que les femmes trouvent leur place auprĂšs des hommes et quâelles accĂšdent enfin Ă lâĂ©ducation.
Ses travaux sur les salles d'asile sont récompensés à Londres lors de la troisiÚme Exposition universelle de 1862.
Sa rĂ©putation atteint son apogĂ©e le jour oĂč elle sâexprime dans lâenceinte de la Sorbonne en 1867. Elle doit prĂ©senter la mĂ©thode des salles dâasile et prononce cinq confĂ©rences du 21 aoĂ»t au 19 septembre. Marie sait de quoi elle parle et si le ministre lui a confiĂ© le soin de parler des jeunes enfants câest parce que « une femme, une mĂšre, une doyenne des salles dâasile, trouverait auprĂšs des instituteurs le crĂ©dit que donnent la pratique et lâexpĂ©rience ». Ainsi est reconnue par le ministre Victor Duruy, la valeur de la directrice du Cours pratique.
Les réformes pédagogiques voient leur diffusion facilitée grùce aux conférences que Marie Pape-Carpantier prononce.
Sous la présidence de Mac-Mahon en 1874, sous le ministÚre Cumont, Marie est dépossédée de sa fonction d'enseignante aux cours pratiques, mais réhabilitée quelques mois plus tard. Elle meurt épuisée et affaiblie, le 31 juillet 1878 à neuf heures du matin dans sa maison de Villiers-le-Bel.
Dans ses derniĂšres volontĂ©s, elle lĂšgue ses livres aux Ă©coles. Il est trĂšs difficile aujourdâhui de retrouver ses Ă©crits.
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