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Varus Flumen historia - La sau dou broc - #2 Traditional Geocache

Hidden : 8/1/2019
Difficulty:
2 out of 5
Terrain:
2 out of 5

Size: Size:   small (small)

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Geocache Description:


La sau dou broc - #2

Le massacre de Saint Martin-du-Var


Le samedi 6 septembre 1851 une troupe de quelques dizaines de paysans quittait le village du Broc en Provence. Chaque homme portait un sac de sel acheté en France à un prix très nettement inférieur à celui pratiqué dans le royaume de Piémont-Sardaigne. Opération de routine, ou en tout cas sans grand risque.

Retournant vers la vallée de la Vésubie par le grand chemin, les paysans après avoir traversé l'Estéron à gué s'engagèrent un peu avant minuit sur la passerelle de service du pont en construction sur le Var. Postés à chaque extrémité du pont, les douaniers sardes leur avaient tendu une embuscade. Une fusillade nourrie les accueillit.


L'expédition nocturne de ces paysans de la vallée de la Vésubie s'explique aisément. Elle n'est certainement ni un fait isolé ni une opération improvisée. La quantité de sel le prouve.

Les paysans étaient au nombre de 80, chacun portant une charge de 20 à 30 kilos. Au total près de deux tonnes de sel, 360 francs de gain, soit plus de 4 francs par homme. Mais était-ce vraiment l'esprit de lucre qui poussait ces paysans à la fraude ? N'était-ce pas plutôt les nécessités de l'élevage ovin tributaire des approvisionnements des gabelles sardes.

Le monopole de vente est d'ailleurs régulièrement dénoncé à cette époque, plus que l'impôt lui-même, comme contraire aux intérêts de l'économie. La rentabilité de l'opération ne peut guère s'expliquer autrement.

Opération sans grand risque ? Rien n'est moins sûr. Les critiques génoises et piémontaises contre les privilèges douaniers niçois avaient fini par porter. Depuis 1849, le gouvernement sarde préparait leur suppression. La décision fut prise au printemps 1851.

La "tariffa generale delle dogane sarde" du 14 juillet 1851 prévoyait ainsi dans son article 38 la suppression du Port franc pour le mois suivant et le report de la ligne douanière des Alpes sur le Var et l'Estéron à compter du 1er janvier 1854. Dès l'automne se mettait en place un nouveau dispositif douanier. Des postes furent créés le long de la frontière provençale, à Puget, Daluis, Guillaumes, Roquestéron, Gilette... alors que jusque-là ils étaient tous situés dans la partie orientale du Comté. Il est clair, dès l'automne 1851, que l'administration sarde est prête à faire entrer le Comté de Nice dans le droit commun.

Il est clair aussi que les douaniers nouvellement installés sont prêts à traiter les questions de contrebande aux frontières du Comté, comme ils le feraient ailleurs, avec la plus grande rigueur. Ils ne semblent d'ailleurs pas avoir reçu la moindre consigne de modération. Peut-être même la sanglante répression du pont de La Madeleine avait-elle valeur d’exemple ? En tout cas, à Nice, on ne l'interpréta pas autrement.

L'Administration avait fait respecter la loi. Mais quelle loi ? Et de quelle façon ? On avance le chiffre de 12 tués, 4 noyés, 5 étendus sur le gravier et 3 disparus, sans compter les blessés.

Le 12 septembre, les détails se précisent : les douaniers auraient attendu que la troupe de paysans se soit engagée sur le pont pour la prendre entre deux feux. Ils se seraient ensuite déployés en tirailleurs dans le lit du Var pour éliminer les fuyards.

Embuscade suivie de chasse à l'homme... alors qu'il ne s'agissait que de simples paysans munis de bâtons et non de contrebandiers de profession. Ils n'avaient d'autre but, que d'emporter chez eux la petite provision de sel nécessaire à la consommation de leur famille et à celle de leurs bestiaux.

La contravention aux lois ne méritait pas une telle répression.

Presque tous les paysans étaient pères de famille, 150 coups furent tirés au cours d'une fusillade qui dura près de trois heures, une véritable boucherie, bref une honte pour un gouvernement qui prétendait être exemplaire.

L'Administration réagit, tentant de minimiser l'événement : les gardes auraient été menacés et attaqués, les blessures auraient toutes été faites par baïonnette, le nombre de morts ne serait que de six... et pourtant d'autres sources précisaient que les douaniers avaient reçu 20 cartouches chacun, une ration extraordinaire de vin et d'eau de vie, et qu'au cours de la fusillade les munitions de leurs gibernes auraient été épuisées.

L'affaire dépassa bientôt les limites du Comté. Les journaux de Gênes et de Turin relatèrent l'événement de Saint-Martin. La "Gazetta Piemontesa",  mit en particulier l'accent sur le nombre de contrebandiers, 80, et sur l'absence de préméditation de la part des préposés : ceux-ci au nombre de 29 s'étaient divisés en trois groupes d'une dizaine d'hommes. Le premier s'était posté au passage de l'Estéron. Leur chef arrêta les contrebandiers et les invita poliment à se débarrasser de leurs charges de sel mais les paysans auraient forcé le passage. Appelant à la rescousse les deux autres postes, les douaniers auraient été de nouveau attaqués à deux reprises. C'est à ce moment-là qu'ils auraient été contraints de faire usage de leurs armes.

Au cours de la panique qui suivit plusieurs paysans se seraient noyés en voulant traverser le fleuve à la nage. Enfin, dernière preuve de l'agression, les carabiniers de Saint-Martin auraient été appelés pour venir en aide aux préposés. Ces arguments restèrent sans effet. Les jours suivants de nouvelles informations permirent de se faire une idée précise de l'attitude des douaniers.


L'enquête commencée par le Fisc royal, permit d'identifier les morts. Il s'agissait :

  • De Pierre-Antoine Pasquier, fils du feu Antoine, âgé de 48 ans, surnommé "Prince", Du Figaret d'Utelle qui laissait six enfants, dont l'aîné n'avait que 11 ans, et une belle-mère octogénaire,
  • De Charles Daideri, fils de Jean, âgé d'environ 45 ans,
  • De Joseph Simon, fils de feu Pierre, âgé de 38 ans
  • De son frère Louis âgé de 28 ans, tous deux de la "Rivière d'Utelle",
  • De Jean-Baptiste Robaudi fils de feu Pierre, dit "Général", âgé de 60 ans environ, De Figaret
  • De Charles Pasquier, fils de feu Charles, retrouvé à Carros, traversé d'un coup de baïonnette.

De l'autopsie des cadavres, il en ressortit que cinq avaient été jetés à l'eau déjà morts et un à demi-mort.

De son côté bien renseignée par les curés des villages concernés, la Sentinella Cattolica était maintenant en mesure de donner d'intéressants renseignements sur les blessés et sur le comportement des agents.

  • François Perla dit "Gianon", avait reçu un coup de baïonnette à la hanche et une blessure par balle au creux de l'estomac ;
  • Louis Faraut dit "Gancin" avait été blessé par balle au front ;
  • Louis Verna avait reçu un coup de baïonnette dans le dos ;
  • Louis Paschier dit "Pauleton", blessé en divers endroits, précisa même qu'après avoir jeté son sel et avoir tenté de passer à gué, il avait rencontré dans les champs de Villain-Moisnel, l'adjudicataire de l'endiguement du Var en cours de réalisation, quatre douaniers qui après l'avoir assommé l'avaient attaché avec une cravate de mousseline et traîné vers le Var pour le noyer. en se débattant Paschier avait réussi à leur fausser compagnie alors qu'ils remontaient le talus de la digue. L'enquête précisera plus tard que cette cravate appartenait effectivement à un des préposés.
  • Jean-André Bovis avait été blessé par une pierre d'un centimètre de diamètre, ce qui, commente la Sentinella Cattolica, prouve que les très humains douaniers avaient, outre les balles de plomb, également employé des pierres pour charger leurs fusils.
  • Laurent Gali de la Rivière d'Utelle avait reçu trois blessures par balles tirées à distance.

Mais le plus significatif de l'acharnement des douaniers est sans doute l'aventure survenue à un certain Illonse originaire de Pelasque qui, dès le premier coup de feu, feignit de tomber mort et qu'un douanier fouilla pour lui prendre sa bourse contenant 2 écus de 5 livres. Le douanier se rendit alors compte que le paysan faisait le mort et chercha conseil auprès d'un collègue pour savoir ce qu'il devait faire. Illonse entendit alors dire : "il faut le tuer sinon il le dirait". Il se leva et réussit à se sauver.

Tous ces détails exaspérèrent les populations, mais l'indignation atteignit son comble lorsqu'on apprit que les douaniers avaient fêté leur victoire le lendemain à Saint-Martin autour d'une bonne table. Les préposés avaient ensuite parcouru les rues du village en chantant et en manifestant bruyamment leur satisfaction d'avoir mis au pas cette bande de contrebandiers

Le gouvernement aurait récompensé les douaniers en faisant distribuer 15 francs au brigadier, 10 francs au sous-brigadier et 8 francs à chaque préposé. Aucun agent, ni supérieur, ni subalterne ne fut changé de poste.

Il est très probable que l'Administration sarde ne considéra pas le grave événement autrement que comme une opération entrant dans le cadre normal du service. Au pire une bavure regrettable.

La contrebande était un fait patent qui l'emportait sur toutes les autres considérations. Tant pis si l'affaire faisait grand bruit à Nice et dans le Comté jusqu'à prendre une tournure assez anti-piémontaise. D'ailleurs le temps passant, les récriminations et les critiques s'estompaient peu à peu. Les douanes sardes avaient atteint leur objectif, montrer par un acte, ô combien visible, que le Comté de Nice était en matière douanière une province comme les autres, un mois après la suppression du Port franc. Le message était clair.



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