Installé à la Bastille* en 1784 pour fonctionner avec une horloge monumentale visible dans la cour centrale, ce carillon comprenait trois cloches, de 125 kilos, 72 kilos et 50 kilos, fabriquées par la famille Chéron en 1761 et 1762. Ces cloches étaient entraînées par un mécanisme, œuvre d'un dénommé Quillet. Lors de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, le cadran fut détruit, par contre le mécanisme de l'horloge et les cloches** furent épargnés.
* La Bastille, construite durant la guerre de cent ans pour protéger Paris des Anglais, fut très vite impopulaire, car son constructeur avait crû bon de réquisitionner tous les oisifs de Paris pour construire cette prison forteresse, ce qui provoqua beaucoup de mécontentement et sa disgrâce : de ce fait il en fut le premier locataire…
** Elles étaient décorées de fleurs de lys, et de filet en surépaisseur, ainsi que de figures allégoriques. La troisième cloche porte la mention : CES TROIS CLOCHES SONT FAITES PAR LOUIS CHERON, FONDEUR DE LA COUR POUR LA ROYALE BASTILLE, L'AN 1761. sur les deux autres: JEAN CHERON M'A FAIT 1762. ce qui prouve que presque toujours les fondeurs travaillaient en famille, et très souvent au pied de l'édifice pour lequel les cloches étaient prévues.
Trois jours plus tard, le 17 juillet, le marquis de la Salle, commandant de la milice parisienne, fit démonter le mécanisme ainsi que les cloches par un maître horloger dénommé Regnault et l'ensemble fut remisé au « district Saint-Louis de la culture » (nouveau nom révolutionnaire de la ci-devant église) avec l'étiquette « cloches du 14 juillet, vestige du despotisme ». Le 24 août, le mécanisme et les cloches arrivèrent à la fonderie de cuivre de Romilly pour y être fondues. En effet, à l'époque, du fait de l'embargo anglais, la France manquait de cuivre, métal nécessaire à la fabrication de monnaie, à la construction navale et à la production de canons. C'est pourquoi il fut décidé de rechercher du cuivre de récupération à travers toute la France, les églises ne devant garder qu'une seule cloche et les autres être dirigées vers des fonderies de cuivre, dont celle de Romilly sur Andelle.
À l'arrivée du carillon, le directeur, M. Grimpret, fit le choix de l'utiliser pour régler la vie de l'entreprise, il l’installa dans un petit campanile et c'est ainsi que pendant plus de cent ans, jusqu'à l'arrêt de la fonderie en 1897, ces cloches se firent entendre à Romilly…