Les pierres parlent. Les deux pierres levées au milieu de la plaine témoignent d’une présence humaine au néolithique. Elles prolongent le patrimoine archéologique de la Brèche au Diable.
Il y a le patrimoine qui saute aux yeux et celui qui se cache. Les menhirs des Longrais appartiennent à la deuxième catégorie. Pour les découvrir, il faut quitter la route départementale reliant Bons-Tassilly à Ouilly-le-Tesson et emprunter, sur environ 500 mètres, un chemin de terre s’ouvrant à droite juste sous le hameau du Mont-Joly. Presque en bordure de ce chemin, au bout d’une langue de broussailles, les pierres dressées apparaissent alors. Erigées sur une petite butte couverte de hautes herbes, elles dominent un océan de cultures.
Dans un département du Calvados qui ne recèle qu’une vingtaine de menhirs, ceux des Longrais ont rapidement suscité l’intérêt des archéologues. Ils ont été repérés en 1955 alors qu’ils étaient presque totalement enterrés. Une fois dégagés, ils ont retrouvé leur verticalité et c’est en 1978 qu’ils ont été classés Monuments historiques. Des trois pierres identifiées, deux restent bien visibles. La plus grande affiche 3,20 m de long, dont 2,37 m au-dessus du sol, la seconde s’élève plus modestement à 1,60 m.
L’homme derrière le minerai
Situé sur le plateau calcaire dominant à l’est la vallée du Laizon, le site se trouve dans une situation géologique originale de contact avec l’îlot de grès armoricain formant le relief du Mont-Joly. C’est dans cette roche qu’ont été fabriqués les menhirs. Les fouilles entreprises à leur pied dès la fin des années 1950 ont montré leur affiliation avec l’un des plus grands domaines d’extraction de silex en Normandie. Faisant pendant à celui de Bretteville-le-Rabet, connu pour ses haches, le site des Longrais se caractérise par des fosses largement ouvertes pour accéder aux silex résiduels présents notamment dans la couche argileuse ; des silex taillés sur place pour produire des pics, des tranchets, des lames.
Cette industrie lithique a été attribuée au néolithique ancien et s’inscrit dans les toutes premières manifestations du phénomène minier d’Europe. Des éléments datés de quelque 5 600 ans ont été retrouvés et la durée de l’exploitation du silex aurait duré 3 000 ans. Les menhirs, près desquels des fragments de charbon de bois et des tessons de poterie ont été découverts, ont probablement voisiné avec une zone domestique suggérée par le repérage de trous de poteaux correspondant à un bâtiment.
L’homme surgit derrière le minéral de menhirs qui constituent une partie du riche patrimoine archéologique de la Brèche au Diable. S’y enfoncer, c’est découvrir d’autres traces de très anciennes occupations humaines en surplomb d’une rivière encaissée et dans une nature préservée. L’abri-sous-roche et les polissoirs en sont les principaux éléments.