Vous êtes au « coquingard ». Ici, en 1956 un jeune homme repère dans la carrière en cours d’exploitation, aujourd’hui comblée et plantée de sycomores et de merisiers, des tessons de poterie dans les débris de craie. Au sommet de la paroi un coin de fosse demeurait perché. On y découvrit une poterie brisée et des traces de calcination. Il fallut que la carrière progresse pour qu’en 1965 apparaisse une deuxième fosse. La même année, une prospection magnétique révéla la présence de la troisième fosse. René Gaudefroy, un passionné de l’histoire de son village, fut désigné pour fouiller cette fosse avec des étudiants de la Sorbonne.
Il découvrit une fosse carrée de 2,50 m de côté, creusée dans la craie et profonde de 40cm. La fouille mit à jour :
-dix-neuf vases, coupes et coupelles de facture « picarde » qui sont actuellement exposés au Musée d’Amiens ;
- deux tas ronds de débris humains calcinés mêlés de cendre ;
-des côtes de porc, une demi-mâchoire de mouton avec dents, un pied et des côtes de porc. Les meilleurs morceaux ont pu être consommés lors d’un repas funéraire, et les autres parties (tête, colonne vertébrale) réservées au défunt. La présence du couteau de fer est liée au découpage du porc.
A proximité de la fosse le substrat de craie a conservé des traces de soc d’araire, vestiges de labours néolithiques. Les historiens datent cet enclos funéraire de l’âge du fer (Tène II = second siècle avant notre ère) ; un bon siècle donc avant l’arrivée des romains. Ce sont des gaulois qui sont enterrés là. Mais pas n’importe qui. En effet dans cette population de paysans tout le monde ne pouvait accéder à une telle sépulture ! Seules les personnes faisant partie d’une élite sociale pouvaient y prétendre. A côté des cabanes en bois, paille et torchis qui formaient des hameaux, et que César appelle « vici », se trouvaient de grandes fermes isolées. Roger Agache, archéologue picard mondialement connu pour avoir mis au point la détection des habitats protohistoriques, en a découvert des traces sur le territoire d’Allonville. Généralement ces grandes fermes s’installaient sur les versants crayeux peu pentus, ce qui est ici le cas ; mais pas nécessairement. Chacune avait son bas-fourneau que l’on emplissait de charbon de bois, de minerai et de fondant calcaire. Des expériences de cuisson ont montré que l’on pouvait obtenir facilement 1200°c. Le fer fondu était moulé pour fabriquer des socs de « charrue », des haches et des armes. Peut-on se hasarder à décrire l’organisation de cette société gauloise installée sur ce lieu-dit « d’ech coquingard » ? Un « aristocrate », vraisemblablement guerrier portant l’épée, protecteur sans doute de la communauté, détenait un vaste ensemble d’enclos destinés à l‘agriculture et à l’élevage. Sans doute sous sa férule des esclaves travaillaient ses terres. Quand aux autres gaulois qui vivaient dans le hameau nous ne savons rien de précis de leur statut social. Au centre de la vaste clairière néolithique enserrée de bois à l’est du village actuel fut découverte une tombe de cette même époque. Le mobilier funéraire comportait un superbe collier de 315 perles en verre dont 7 en ambre.
Cette découverte atteste qu’à cette époque des échanges commerciaux existaient avec d’autres régions européennes. La Gaule était un pays ouvert aux flux commerciaux, campagnes comprises.
Vases conservés au musée de Picardie d'Amiens