Les Aiguilles et l’Oucane de Chabrières EarthCache

Les Aiguilles
À l'est de Chorges les pentes de la rive septentrionale de la retenue de Serre-Ponçon s'élèvent d'abord doucement par les villages de Prunières et de Saint-Apollinaire pour se redresser en forts abrupts qui culminent aux Aiguilles de Chabrières.
Ce contraste dans le relief traduit un important changement dans la nature des roches : en effet celles de la partie basse sont essentiellement constituées par les Terres Noires du jurassique supérieur, alors que les escarpements de la crête sont formés de couches calcaires qui les recouvrent par un contact sub-horizontal.
Ce dernier n'est pas une surface de superposition stratigraphique mais a une origine tectonique et correspond à la surface de charriage des nappes de l'Embrunais.

Les crêtes des Aiguilles de Chabrières se singularisent par leur aspect déchiqueté, qui trahit la nature de leur principal constituant : les calcaires et dolomies du Trias moyen.
Il s'agit en effet d'un lambeau détaché tectoniquement (un "bloc-klippe") de la grande nappe du Briançonnais.

Le revers oriental des Aiguilles de Chabrières s'abaisse en pentes plus modérées et surtout plus mamelonnées sur lesquelles sont tracées les pistes de la petite station de ski de Réallon.
Ce trait du relief est dû à ce que le matériel charrié a été débité en paquets qui ont glissé sur le substratum de Terres Noires en direction du lit du torrent de Réallon.
Ces mouvements de terrain ont dû intervenir avant la dernière glaciation car on trouve dans les basses pentes des alluvions glaciaires non perturbées, dessinant les moraines latérales de la langue de glace qui remplissait la vallée jusqu'à l'altitude d'environ 1500 m lors du maximum d'extension des glaciers wurmiens.

Du côté nord de la crête occidentale des Aiguilles de Chabrières le pendage modéré des couches calcaires qui les constituent se manifeste par la formation d'un petit plateau incliné et fortement lapiazé appelé l'Oucane de Chabrières dont l'aspect contraste avec le relief ruiniforme des aiguilles elles-mêmes.
Pour être plus précis il faut dire que les calcaires dolomitiques du Trias y sont garnis par un placage épais de quelques dizaines de mètres de calcaires massifs à faciès pélagiques du Malm dont la surface a été dégagée en dalle structurale par ablation des calcschistes néocrétacés qui les recouvrent au niveau de la crête.
Cette dalle protectrice n'existe qu'au nord-ouest du sommet, conservée à la faveur d'une faille de l'Oucane qui l'a abaissée de plus de 100 m.

Les basses pentes boisées du versant septentrional des Aiguilles de Chabrières sont très pauvres en affleurements car elles sont fortement empâtées de matériel quaternaire, alluvions glaciaires anciennes (anté-wurmiennes et éboulis anciens) : ce n'est donc que très approximativement que l'on peut y tracer les limites entre les unités tectoniques subbriançonnaises qui en forment le soubassement.
Le matériel rapportable à l'Unité du Piolit, qui affleure bien dans le haut du versant oriental de Chabrières, ainsi que le matériel briançonnais, semblent y disparaître par effilement.
En effet dans les basses pentes de la rive opposée, à Réallon même, l'entaille du torrent de la Pisse ne montre sous la flysch de la nappe du Parpaillon que les alternances de lames de calcschistes néocrétacés et de flysch noir de l'unité subbriançonnaise basale.

L’Oucane
L’Oucane est un petit karst situé à 2200 m d’altitude.
Il forme un plateau rocheux, « la cam » en occitan, synonyme de causse.
Il s’étend dans un massif carbonaté arraché par la nappe de flysch à Helminthoïdes du Parpaillon à son passage sur le Briançonnais, entraîné à la base de cette nappe et dégagé de sa gangue de flysch par l’érosion.
Sa position en altitude, au-dessus de la limite forestière, en fait un karst alpin typique.
Les surfaces rocheuses polies par la glace sont aujourd’hui burinées par un champ de lapiés («karrenfeld») que la cryoclastie, qui provoque l’éclatement des roches, ne parvient pas à démanteler.
Ce sont des cannelures méandriformes dues aux eaux ruisselantes («Rillenkarren») ; de petites vasques («kameritza») où s’exerce une corrosion biochimique grâce à la présence de lichens et de bactéries ; ce sont surtout des lapiés de fissures (ou lapiés structuraux, «kluftkarren») qui se disposent géométriquement suivant le canevas du réseau de diaclases.

La série carbonatée dans laquelle s’est développé le karst alpin de l’Oucane de Chabrières, épaisse de plus de 400 m, comporte de haut en bas : des calcaires compacts tithoniens (10 m), des calcaires amygdalaires rouges (faciès «marbre de Guillestre») de l’Oxfordien supérieur-Kimméridgien (10 m), des dolomies blanches et grises massives ou bréchiques en bancs de 20 à 30 cm du Ladinien (50 m) et des calcaires gris-bleu en bancs décimétriques à demi-métriques de l’Anisien (350 m).
Cette série offre un fort potentiel karstique, d’autant plus important que le creusement, tant au nord (ravin du Bessuilier) qu’au sud (versant de la Durance) crée un fort gradient hydraulique.
Par ailleurs, les fortes contraintes tectoniques subies par la masse carbonatée lors de son charriage, à l’origine d’un dense réseau de diaclases, ainsi que les failles qui l’accidentent, constituent autant de voies de pénétration des eaux.

Le retrait des glaces a certainement contribué à élargir ces diaclases par détente et donc à y faciliter l’infiltration des eaux.
D’autre part, les surfaces rocheuses sont séparées par des couloirs qui peuvent atteindre plusieurs mètres de profondeur (jusqu’à 25 m) et de un à deux/trois mètres de largeur : ces «bogaz» se localisent sur un système de failles SW-NE, SE-NW et SSW-NNE.
Sur les flancs de ces couloirs, les eaux ont creusé des cannelures de mur («wandkarren» disposées verticalement et parallèlement les unes aux autres.
Les plus profonds de ces couloirs contenaient de la neige tassée même en été au début du XXe siècle (névières) ; ce qui, d’après D. Martin explique la fraîcheur des eaux de la source de Vaucluse.
C’est au croisement de ces couloirs que se situent les quelques puits d’absorption des eaux (avens) alors que par ailleurs l’infiltration dans les fissures est diffuse (épikarst).

The needles
East of Chorges the slopes of the northern shore of the reservoir of Serre-Ponçon rise first slowly through the villages of Prunières and Saint-Apollinaire to rise up hard steep that culminate in Aiguilles de Chabrières.
This contrast in the relief reflects an important change in the nature of the rocks: in fact those of the lower part are mainly constituted by the Black Lands of the Upper Jurassic, whereas the escarpments of the crest are formed of calcareous layers which cover them by a sub-horizontal contact.
The latter is not a stratigraphic superposition surface but has a tectonic origin and corresponds to the thrust surface of the Embrunais nappes.

The ridges of Aiguilles de Chabrières stand out for their jagged appearance, which betrays the nature of their main constituent: the limestones and dolomites of the Middle Triassic.
It is indeed a detached flap tectonically (a "block-klippe") of the great tablecloth of Briançonnais.

The eastern side of the Aiguilles de Chabrières lowers to more moderate slopes and especially more sloping on which are traced the tracks of the small ski resort of Réallon.
This feature of relief is due to the fact that the material carried in packets that slid on the bedrock of Black Grounds towards the bed of the stream of Réallon.
These movements of ground had to intervene before the last glaciation because one finds in the low slopes of the undisturbed glacial alluvium, drawing the lateral moraines of the tongue of ice which filled the valley until the altitude of about 1500 m during the maximum extension of the Wurmian glaciers.

On the north side of the western crest of Aiguilles de Chabrières the moderate dip of the limestone layers which constitute them is manifested by the formation of a small sloping and strongly lapazed plateau called the Oucane de Chabrières, the appearance of which contrasts with the ruiniform relief of needles themselves.
To be more precise it must be said that the dolomitic limestones of the Triassic are filled with a thick veneer of a few tens of meters of massive limestones with pelagic facies of Malm whose surface has been released into a structural slab by removal of neocretaceous calcschists covering them at the level of the ridge.
This protective slab exists only to the northwest of the summit, preserved in favor of a fault of the Oucane which lowered it more than 100 m.

The low wooded slopes of the northern slope of the Aiguilles de Chabrières are very poor in outcrops because they are heavily impregnated with quaternary material, ancient glacial alluvium (ante-wurmian and ancient scree): it is therefore only very roughly that we can draw the boundaries between the sub-Brankton tectonic units that form the bedrock.
The material which can be brought back to the Piolit Unit, which is well exposed at the top of the eastern slope of Chabrières, as well as the Briançonnais material, seems to disappear there by taper.
In fact, in the lower slopes of the opposite shore, at the same time at Réallon, the notch of the Pisse torrent shows under the flysch of the Parpaillon nappe only the alternation of neocretaceous calcschist blades and black flysch of the subbranch unit. basal.

L’Oucane
Oucane is a small karst located at 2200 m altitude.
It forms a rocky plateau, "the cam" in Occitan, synonymous with Causse.
It extends into a carbonate massif torn off by the flysch sheet at Helminthoides du Parpaillon as it passes over the Briançonnais, drawn to the base of this sheet and released from its flysch gangue by erosion.
Its altitude position, above the treeline, makes it a typical alpine karst.
The rocky surfaces polished by ice are now chiselled by a field of lapies ("karrenfeld") that the cryoclasty, which causes the bursting of rocks, fails to dismantle.
These are meandering stream flutes ("Rillenkarren"); small basins ("kameritza") where biochemical corrosion occurs through the presence of lichens and bacteria; they are mainly lapies of fissures (or structural laps, "kluftkarren") that are geometrically arranged according to the canvas of the network of joints.

The carbonate series in which the alpine karst of the Oucane de Chabrières has developed, more than 400 m thick, has from top to bottom: compact Tithonian limestones (10 m), red amygdalar limestones (facies "marble of Guillestre") of the Upper Oxfordian-Kimmeridgian (10 m), massive white or gray dolostones in schools 20 to 30 cm from the Ladinien (50 m), and gray-blue limestones in semi-metric decimetric the Anisien (350 m).
This series offers a strong karst potential, all the more important as digging, both in the north (Bessuilier ravine) and in the south (on the Durance slope) creates a strong hydraulic gradient.
In addition, the strong tectonic stresses experienced by the carbonate mass during its thrusting, at the origin of a dense network of joints, as well as the faults which accident it, constitute so many ways of penetration of the waters.

The removal of the ice certainly contributed to widen these joints by relaxation and thus to facilitate the infiltration of water.
On the other hand, the rocky surfaces are separated by corridors that can reach several meters deep (up to 25 m) and from one to two / three meters wide: these "bogas" are located on a SW-NE, SE-NW and SSW-NNE fault system.
On the flanks of these corridors, the waters have dug wall splines ("wandkarren") arranged vertically and parallel to each other.
The deepest of these corridors contained compacted snow even in summer at the beginning of the twentieth century (névières); which, according to D. Martin, explains the coolness of the waters of the Vaucluse spring.
It is at the crossroads of these corridors that the few water absorption wells (avens) are located while, moreover, the infiltration into the fissures is diffuse (epikarst).