Un riche patrimoine autour du lin

     Dans les Côtes d'Armor, de nombreux villages recèlent encore des routoirs, bassins en pierres où l'on faisait rouir le lin. Ils étaient sur le trajet d'un cours d'eau et le rouissage avait lieu à ciel ouvert.

     Au 19ème siècle, près de 3000 routoirs ont été dénombrés dans la région de Lannion. Depuis 2012, l'office de tourisme de la presqu'île de Lézardrieux propose des randonnées pédestres sur une boucle de 21 routoirs à lin notamment sur la commune de Pouldouran.

     Les musées présentent également de nombreux objets liés au lin: peignes à égrener le lin, brayes à lin pour broyer manuellement les tiges, broyeurs mécaniques ou moulins flamands, rouets, métiers à tisser, presses à lin, armoires à deux battants pour conserver les biens précieux de la maison dont certaines pièces de lin. Un patrimoine bâti est toujours présent et témoigne d'un passé actif. On peut ainsi voir dans le Trégor des moulins à teiller le long des principaux cours d'eau: le Léguer, le Jaudy, le Trieux...

     Enfin, le commerce des toiles a enrichi des négociants qui ont construit de belles demeures et  contribué à la richesse du patrimoine religieux: chapelles, églises, enclos paroissiaux.

À quoi servaient les routoirs à lin ?

     Les routoirs servaient à rouir le lin, une opération qui consistait à séparer l'écorce des tiges de lin pour en dégager les fibres. Pour cela, le lin était maintenu immergé au moyen de grosses pierres dans l'eau stagnante, ou légèrement courante des routoirs. Une quinzaine de jours suffisaient pour séparer les éléments fibreux et ligneux de la plante par dissolution de la pectine. Le gluten de l'écorce se décomposait par simple fermentation. Mais c'était tout un travail de surveillance, car la blancheur et la qualité de la filasse dépendaient de la disposition des plantes dans les routoirs, de la durée du rouissage, de la présence de feuilles, de la température, etc.

De quand datent les routoirs ?

     Tous les routoirs datent de la grande période de production du lin et du chanvre en agriculture, c'est-à-dire entre le 15ème et la fin du 19ème siècle. Une circulaire nationale a interdit les routoirs pour raison de pollution au début du 20ème siècle.

Pourquoi polluaient-ils ?

     La fermentation due au rouissage produit des gaz toxiques, de l'acide carbonique et de l'hydrogène sulfuré. L'eau sortant des bassins de rouissage est noire et nauséabonde. Elle polluait rivières, lavoirs, abreuvoirs, et même parfois les puits environnants. Mais la culture du lin continua et le rouissage se poursuivit par d'autres méthodes, à même le sol. Les usines de teillage du lin de la région ont fonctionné durant la première moitié du 20ème siècle. On a continué le teillage du lin dans l'usine de Tréguier, au Pont canada, jusqu'en 1960.

     Le routoir à lin de Traou Lan devant lequel vous vous trouvez, présente deux particularités majeures :

- sa forme tout d’abord ; la majorité des routoirs des Côtes d’Armor est plutôt de forme rectangulaire. Celui-ci présente une forme apparentée au bassin de radoub des ports de commerce de la côte nord de Bretagne.

- le dallage exceptionnel qui en constitue le fond.

     Ce routoir a vraisemblablement servi jusqu’à la fin du 19ème siècle. Pendant plus d’un siècle donc, il fut oublié, se remplit d’humus, de terre… Des arbres même y poussèrent ainsi qu’une végétation luxuriante. Jusqu’à ce qu’une Association locale (Plouézec Animation) dont le but est de remettre en valeur les sentiers et tout ce petit patrimoine le retrouve. Les membres de cette Association le dégagèrent de son carcan végétal, redressèrent quelques murs effondrés avec des pierres collées à l’argile et rendirent à ce lieu une image proche de ce qu’elle fut au 19ème siècle.

     Un autre routoir existe sur la commune de Plouézec. Vous y trouverez peut-être aussi un objet de convoitise : Routoir à lin de Goasjoulin, GC5W3W0