Un loup, passant dans un champ, y trouva de l’orge. Mais ne pouvant en faire sa nourriture, il la laissa et s’en alla. Plus loin, il rencontra une mule et l’amena dans le champ. Il avait, disait-il, trouvé de l’orge, mais, au lieu de la manger lui-même, il la lui avait gardée, vu qu’il avait du plaisir à entendre le bruit de ses dents.
La mule lui répondit :
Hé ! l’ami, si les loups pouvaient user de l’orge comme nourriture, tu n’aurais jamais préféré tes oreilles à ton ventre.
Le loup trouvait que la mule était bien grasse, il voulait la manger.
Celle-ci voyant le loup venir, et craignant d’être prise, elle feignit d’avoir une épine au pied et d’être fort tourmentée du mal que lui causait l'écharde.
Hélas ! Mon ami, dit-elle, en s’adressant au Loup, je ne puis résister à la violence de la douleur que je sens. Mais puisque mon malheur veut que je sois bientôt dévoré par les oiseaux de proie, je te prie, avant que je meure, de m’arracher cette épine que j’ai au pied, afin que j’expire plus doucement.
Le loup consentit à lui rendre ce bon office, et se mit en posture.
Alors d’une ruade, la mule lui donna un si grand coup de pied, qu’elle lui enfonça le crâne, lui cassa les dents, et se mit à fuir.
Le loup se voyant dans un état si pitoyable, ne s’en prenait qu’à lui-même.
Je le mérite bien, disait-il, car de quoi est-ce que je me mêle ? Pourquoi ai-je voulu m’ingérer mal à propos de faire le chirurgien, moi qui ne suis qu’un Boucher.
Cette fable montre que ceux qui sont naturellement méchants, même quand ils se targuent d’être bons, n’obtiennent aucune créances. La bonté étant bien mal récompensée.