Après les attaques allemandes en Hollande, en Belgique, au Luxembourg, c’est au tour de la France d’être envahie après la percée des Ardennes et le déferlement des forces allemandes va s’accentuer. Les chars allemands du général Guderian arrivent dans l’Aisne le 14 mai et occupent Montcornet le 15. Le 16 mai au nord de l’Aisne, la situation est grave. Les divisions blindées allemandes se sont engouffrées dans la brèche laissée par la destruction de l’armée Corap.
La 4e Division Cuirassée de Réserve (5 000 hommes et 85 chars), commandéee par le colonel Charles De Gaulle, a pratiquement terminé son regroupement le 16 Mai au matin. Le colonel De Gaulle reçoit comme mission d’établir entre l’Aisne et la Serre un barrage contre les chars ennemis qui pourraient se présenter.
Dès le 15 Mai 1940, le PC de la division se porte à Bruyères et Montbérault dans une demeure se situant sur la place principale de ce village. La 4e DCR récupère en même temps le 4e GAA et également quelques pièces de 75mm au II/303e régiment d’artillerie qui est déjà sur place ; le commandant de la division va donc mette en place les bouchons sur les voies d’accès menant à Montcornet, ce village étant un important carrefour de routes vers Reims-Laon et Saint Quentin.
- Dans la forêt de Samoussy aux lisières Nord
- Sur la route de Sissonne au village de Saint Erme
- Au pont de Neufchâtel
Voyant pratiquement toutes ces unités en place, le colonel De Gaulle, après avoir rédigé son ordre d’opération, le complète, par ces termes, je cite « conformément aux prévisions de l’ordre d’opération, la 4e DCR attaquera demain 17 Mai à 4h45- Objectif-Montcornet-Lislet, en précisant que les chars doivent être poussées sur Montcornet-Lislet et d’attaquer tous les éléments adverses rencontrés. »
Le 17 Mai au lever du jour un convoi allemand composé d’une trentaine de camions très certainement égaré se présente avec quelques motocyclistes, le convoi est pratiquement anéanti, les allemands laissant sur le terrain près de 20 morts et une trentaine de prisonniers. Plus tard une automitrailleuse sera détruite.
L’idée de manœuvre étant relativement simple : faire avancer l’ensemble la DCR sur un axe Nord et en direction de Montcornet sur un front de 15 à 20km, l’objectif principal était de s’emparer et tenir les ponts sur la Serre et sur le Hurtaut à Lislet.
Dès le début de l’offensive française, des ennuis surgissent notamment avec les chars B1 bis dont 6 s’embourbent dans les marécages et dans Chivres des accrochages ralentissent la progression du 46e Bataillons de Chasseurs, les chars prenant du retard.
Vers 12h, le véritable combat s’engage entre d’une part les B1 bis et les défenses anti-char allemandes qui causent peu de dommages aux chars lourds sur la route Montcornet –Laon à peu de distance du village de Chivres. Dans Lislet, les chars français sont pris à partie par les anti-chars allemands qui démolissent 2 chars, puis se replient pour faire le plein de carburant.
A Montcornet, les chars légers se trouvent aux prises avec les 88mm Flak utilisés par les allemands en anti-char, le 2e Bataillon de Chasseurs subissant des pertes à proximité immédiate du village de la Ville aux Dames et doit se replier assez rapidement.
L’intervention du 4e Bataillon de Chasseurs enfin arrivé, malgré leur manque de moyen de transport tout terrain, permet de nettoyer les îlots de résistances allemands près de Chivres, mais les chars D2 subissent aussi des pertes du fait des tirs des 88mm Flak. 2 chars sont détruits, les autres faisant demi-tour pour aller refaire les pleins…
Dans l’après midi, vers 16h, le 46e Bataillon de Chasseurs lance une nouvelle attaque contre Montcornet, mais faute de cartes d’état major, les équipages se trompent d’itinéraire se dirigeant non pas sur Montcornet mais en direction du Village de LA Ville aux Dames où ils sont pris pour cible par les 88mm Flak qui détruisent encore 2 chars et ces derniers à court d’essence font de nouveau demi-tour, bombardés par les Stukas qui les attaquent en piqué et finalement se replient sur les positions de départ.
La bataille est pratiquement terminée à ce moment là.
Un char Renault R35 abandonné par son equipage dans le secteur de Montcornet
La bataille de Montcornet dura moins de 24h, elle fut incontestablement une défaite militaire et n'inquiéta pas outre mesure Guderian. Pourtant cette escarmouche entra dans les annales historiques, et donna l’impression "d’invincibilité" de la 4eme DCR aux yeux de l’état major français. De même elle donna la pleine conscience de l’efficacité de l’arme blindée endivisionnée et fut le meilleur entraînement possible pour la future contre attaque d’Abbeville le 28 mai 1940. Ce fut donc une défaite militaire certes mais une victoire morale dans un contexte de défaitisme prononcé. Ce fut surtout cela que les historiens retinrent de la bataille de Montcornet au lendemain de la guerre, prolongeant le mythe d’une contre attaque réussie.
Dans ses « Mémoires de Guerre », paru en 1954, le Général De Gaulle écrivit sur cette bataille : « Ce que j'ai pu faire par la suite, c'est ce jour-là que je l'ai résolu »
Il faut bien reconnaître au colonel De Gaulle, qu’il a été le seul à attaquer avec des moyens qui ne lui permettaient pas de réussir, mais il a tenté l’impossible et a tout de même réussi à transformer en peu de temps des éléments n’ayant jamais manœuvré ensemble, en une grande unité.
Le 6 juin 1940, le tout jeune général de brigade à titre temporaire est appelé au gouvernement et le destin va lui offrir dans les jours qui vont suivre l’honneur d’être le premier français libre et d’avoir un destin national.
Sur cette photo prise en 1939, le colonel Charles de Gaulle s'entretient avec le président de la République Albert Lebrun