Cette cache à été posée pour l'Event CITO : GC2J837 du 22 mai 2011
De la magie insondable des abîmes…
Les abîmes aquatiques, s’ils sont parfois bien utiles
pour fournir de l’eau en abondance, suscitent en revanche une
quantité de rumeurs et de récits fantastiques. De nombreuses
variantes du carrosse englouti ont ainsi été recueillies aux quatre
coins du pays. Vous comprendrez donc que la Seine-et-Marne
n’est pas la seule région de France où circule ce genre
d’histoire. A Moret, d’ailleurs, on ne parle pas de
carrosse, mais d’un char. J’ignore s’il
s’agit du véhicule à deux roues de l’antiquité, ou de
cette charrette tirée par des animaux qu’on utilisait
autrefois dans les campagnes. Si tel est le premier cas,
l’événement semble remonter assez loin dans le passé. La
légende, elle, va au plus simple et ne s’embarrasse pas de ce
genre de détails. J’en ai récupéré deux versions,
sensiblement identiques à quelques mots près.
?
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L'ABIME DE BORNEAU
(MORET-SUR-LOING) |
?
Le laconique Georges Lioret, commentant les fouilles des
ruines gallo-romaines du
Plateau des Gros, nous
raconte : «
qu’en des temps inconnus, un char à
six chevaux rempli de voyageurs s’effondra dans l’Abîme
de Borneau »
On n’en saura pas plus. M. P.
de Moret est un peu plus précis : «
Un char
transportant 3 personnes aurait dévié de son chemin pour plonger
dans l’Abîme de Borneau, abîme qui à l’époque était
beaucoup plus profond. » Il ajoutait « que le bruit du
galop des chevaux se faisait parfois entendre, quand le niveau de
l’eau était au plus bas ». Pougeois plus simplement
encore : «
Que pendant une chasse, une voiture
attelée de plusieurs chevaux ait disparu tout entière dans ce
précipice, sans laisser aucune trace » et ajoute
curieusement : «
Peut-être cette voiture et ces
chevaux n’étaient-ils qu’un simple
canard »
D’après la tradition, et comme dans beaucoup de cas
similaires, les profondeurs de cet abîme seraient insondables. M.
P. m’a raconté que deux indigents nommés Nénette et
Ouin-Ouin, qui vivaient à proximité, s’y seraient également
noyés. Le nom de
Borneau semble issu du terme pré-celtique
born indiquant un «
trou, une cavité
naturelle », et aurait donné en latin
bornellus,
«
source, trou d’eau »
. Ce gouffre, logé dans la plaine du
Vieux Pont, est toujours alimenté par le
Ru des
Trémorts qui coule sur la rive gauche du Loing, avant de
s’y jeter un peu avant Moret. On peut s’y rendre en
empruntant la
rue Madame et ensuite le
Chemin des
Prés.
M. P. suppose que le ruisseau aurait été baptisé en souvenir des
disparus du tragique accident. On peut donc penser qu’une
mutation de langage nous aurait fait passer de trois morts à
Trémorts. Possible. Reste à savoir si c’est la
légende qui a donné son nom au ruisseau ou le contraire. En
attendant, ça sera toujours mieux que certaines bizarreries
historiques répandues parAlexandre-Désir Teste d'Ouet et la
bande de l’abbé Pougeois qui n’ont pas fait que
raconter des âneries, mais en ont aussi écrites. Une fois de plus,
jouant avec les toponymes et les mégalithes du coin, ils
s’imaginaient avoir entre les mains une preuve supplémentaire
visant à blanchir ses interprétations
«
hénaurmes » de la légendaire bataille de
Lato Fao (la jumelle de celle des
Trois Rois)
censée s’être déroulée dans les alentours de Moret en 596.
Pour eux, le «
Ru des Trémorts » tout comme le
«
Champ des Veuves » renvoie aux 30 000 victimes
de cette bataille, voir même aux soldats de Clotaire fuyant le
massacre de Dormelles, trois ans auparavant.
Alexandre-Désir Teste d'Ouet pense que
Trémorts
viendrait de
Très-mort, en souvenir «
Des flots
de sang qui, roulant dans son lit, ont été arrêtés par des monceaux
de cadavres, se sont répandus dans la prairie, et cette riche
campagne a été fertilisée par les dépouilles de nos
pères ! »
. Huet précise également qu’il
existait un pont d’origine romaine au niveau du
Port de
Veneux triangle de terre ayant pour limite Ouest le coude du
fleuve et à l’Est le
Lutin, section cadastrale
AC
01. Il enjambait la Seine là ou autrefois se trouvait
l’île de la Goderne, que le passage du chemin de
halage rattache désormais à la terre
D’après lui «
La
bataille aurait eu lieu sur les deux rives du fleuve en 596. De la
daterait la destruction du Vieux-Moret, appelé par quelques auteurs
Latofao. De là viendrait aussi le nom de ruelle Mortuaille donné à un chemin dont il ne reste
plus qu’une partie sur le territoire de Champagne lequel
conduisait au pont dont il est parlé ». Il ajoute à titre
de preuves que «
Plusieurs personnes des environs
possèdent des armes franques trouvées en ces
lieux »
Marcel Chesne pense que cette histoire de pont romain,
situé hors des voies romaines, relève du légendaire pur et simple
et suppose que «
De vieux moulins à eau et des chaussées
existant au lieu-dit « détroit de Saint-Mamer »
( ?), les substructions de ceux-ci, visibles encore voici
moins de deux cents ans, seraient sûrement à l’origine de
cette légende trop vivace »
.On en restera là.