Jean de La Fontaine est sorti des eaux il y a exactement 400 ans cette année. Pour arroser cet anniversaire, je vous propose de découvrir une face méconnue de son talent au travers de l’un de ses conte qui se terminent par une morale grivoise pendant de la morale pédagogique des fables.
Je vous en propose une parmi tant d’autre :
Certaine sœur dans un couvent,
Avait certain amant en ville,
Qu'elle ne voyait pas souvent,
La chose, comme on sait, est assez difficile.
Tous deux eussent voulu qu'elle l'eût été moins,
tous deux à s'entrevoir apportaient tous leurs soins,
Notre soeur en trouva le secret la première,
Nonnettes en ceci manquent peu de talent.
Elle introduisit le galant
Sous le titre de couturière,
Sous le titre et l'habit aussi,
Le tour ayant bien réussi,
Sans causer le moindre scrupule,
Nos amants eurent soin de fermer la cellule,
Et passèrent le jour assez tranquillement
A coudre, mais Dieu sait comment,
La nuit vint, c'était grand dommage,
Quand on a le coeur à l'ouvrage.
Il fallut le quitter, Adieu, ma soeur, bonsoir,
Couturière, au revoir,
Et ma soeur fut au réfectoire
Un peu plus tard, et c'est là le facheux de l'histoire.
L'abesse l'aperçut, et lui dit en courroux,
Pourquoi donc venir la dernière?
Madame, dit la soeur, j'avais la couturière.
Vos guimpes ont donc bien des trous,
Pour la tenir une journée entière,
Quelle besogne avez-vous tant chez vous,
Où jusqu'au soir elle soit nécessaire?
Elle en avait encore, dit-elle, pour veiller,
Au métier qu'elle a fait, on a beau travailler,
On y trouve toujours à faire.
La Fontaine Jean de, Contes et nouvelles en vers, La couturière