Côté français, la surprise a été « presque » totale et le choc effroyable. Mais la débandade attendue par l’ennemi n’a pas eu lieu. Les survivants des deux divisions françaises ne battent pas en retraite, ni ne se rendent. A dix contre cent, fusils Lebel contre Mauser et lance-flammes, la défense française s’organise. L’infanterie allemande procède par vagues d’assaut, espacées d’une centaine de mètres. Toutefois, les difficultés du terrain les obligent souvent à progresser par colonnes, désorganisant leur montée en ligne. Et les français encore debout les prennent à revers. Cette capacité de résistance n’avait pas été envisagée par l’état major allemand, fort de la doctrine militaire du moment « l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe ». Une lutte impitoyable oppose donc les deux camps dès les premières heures. Elle se prolongera pendant plusieurs mois sur cette poche de quelques kilomètres carrés, causant la perte de 163 000 français et 143 000 allemands, tués ou disparus . 216 000 français et 196 000 allemands seront blessés.
Les deux tiers de l’armée française combattent à Verdun. Des combats particulièrement durs. Les poilus qui en réchappent peuvent jouir de quelques moments de répit à l’arrière- pour 4 jours de combat , deux jours de repos - et se refaire - dans la mesure du possible - un moral. Ce n’est pas le cas des troupes ennemies jamais relevées, usées par « l’enfer de Verdun ». Car c’est bien d’un enfer qu’il s’agit. Des villages entiers sont détruits, les champs sont labourés par les obus, l’air est vicié par les gaz toxiques, les bois disparaissent pour laisser place à un paysage lunaire fait de cratères et de tranchées dans lesquels se terrent les survivants. On se bat souvent pour quelques mètres, baïonnette au fusil, couverts de boues, assoiffés, asphyxiés, rompus... Les villages perdus un jour sont reconquis le lendemain ; celui de Fleury devant Douaumont sera pris et repris 16 fois, celui de Vaux treize fois. Le moindre surplomb devient un enjeu, la ligne de front ne cesse de bouger mais ne cède pas.
La ruée sur Verdun
Les premiers jours de la bataille sont terribles. Un déluge de feu et de gaz toxique s’abat sur seulement 5 kms de front durant plus de huit heures. Près de 80 000 Allemands sont mobilisés pour l’offensive. Du jamais vu sur un aussi petit terrain. Et pour la première fois à si grande échelle – une expérimentation avait déjà eu lieu à Malancourt - le lance-flammes est utilisé par les fantassins allemands. C’est une arme terrifiante. Au Bois des Caures, les chasseurs placés aux avant-postes ripostent comme ils peuvent. Mais ils ripostent. A leur tête, le lieutenant-colonel Driant, également député. Le mois précédent, il avait tenté d’alerter le plus haut niveau de l’état des faiblesses de la défense de Verdun. Il est tué au cours des combats du 22 février. Ses unités sont décimées.
Les jours suivants, les combats se poursuivent avec la même intensité. Sur les 2 000 hommes du 362ème RI, il n’en reste que 50 debout. Les chiffres des pertes donnent le vertige. Près de 20 000 hommes tués en quelques jours. Le village de Brabant est évacué le 23 février. Samogneux, Beaumont, Ornes sont perdus le jour suivant. Neuf villages seront complètement détruits, « morts pour la France ». Le fort de Douaumont, occupé par une cinquantaine de territoriaux, est pris le 25 février, par surprise et sans combat, par une patrouille de reconnaissance ennemie. La propagande allemande crie victoire. Mais pour le reste, chaque parcelle de terrain est défendue au prix de mille souffrances. Le courage et le calvaire des défenseurs commence à être connu à l’arrière. C’est dans ce contexte que le général Pétain, à la tête de la 2ème armée française, prend le commandement des opérations sur le front de Verdun le 26 février. Tenir coûte que coûte, « jusqu’à la dernière extrémité » est plus que jamais à l’ordre du jour. Verdun ne doit pas être prise par l’ennemi.