La légende de la croix de Peuroche
« Par un beau temps d’avril, à l’abri du vent dans une touffe de genêts et de houx, Franchette Reygnalle, dite Fanette, accorte paysanne de 17 ans gardait ses moutons égaillés sur les talus bordant la vieille route de La Souterraine à Magnac-Laval. C’était une belle fille, vaillante tant aux travaux des champs qu’à ceux du ménage ; ses parents possédaient du bien au soleil. Près d’elle vint s’asseoir une vieille mendiante, la mère Frégaude, qui eut vite fait de provoquer les confidences de Fanette, désespérée de ne pouvoir épouser celui qu’elle aimait, Sylvain Gartaud, garçon qui avait de la tête et des bras mais pas un écu vaillant et dont les parents de la jeune fille ne voulaient pas pour gendre. Frégaude conseilla à Fanette de se rendre à minuit à la croix de Peuroche et arrivée là de crier par quatre fois, au nord, au midi, au levant et au couchant : « Cy suis seule à la croix de Peuroche ». Sylvain Gartaud, arrivé peu de temps derrière son amoureuse, déclara que « si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal ». Le soir même Fanette se rendit à la croix et quatre mois plus tard, à la grande surprise des gens du voisinage, Fanette Reygnalle, la riche paysanne épousait Sylvain Gartaud qui n’avait ni sou ni maison et cinq mois ne s’étaient pas écoulés depuis les noces légitimes que le ciel leur octroyait deux jumeaux portant tous deux sur l’épaule droite des marques en forme de croix. « Ce qui prouve - ajoutait malicieusement le brave homme qui narrait cette légende - que quand les esprits s’en mêlent ils ne font pas les choses à moitié ».
La croix de Peuroche existe toujours, au même carrefour que jadis, et, il n’y a pas si longtemps encore elle recevait la visite des jeunes femmes et de leur époux qui déposaient des épingles au pied de la croix dans l’espoir de se marier dans l’année. »
D’après l’ouvrage « Temps lointains, légendes de la Creuse » d’André Montaudon (Guéret, 1901)