Les Mémoires d'un père à ses enfants
Ces Mémoires d’un père à ses enfants, Une famille vendéenne pendant la Grande Guerre 1793-1795, ne parurent pourtant qu’en 1896, lorsque la famille fit connaître ces écrits. Ouvrage qui ne laissera pas le lecteur indifférent, car il décrit les horreurs de la Guerre de Vendée vues et vécues par un enfant.
Au moment de la prise de Mortagne par les républicains, l’auteur de ces Mémoires nous livre une histoire classique de trésor de cette époque, l’enfouissement de valeurs avant la fuite. Avant de quitter leur maison, devant l’avance pressante des troupes qui répandaient alors le meurtre, l’incendie et le pillage, Marin-Jacques-Narcisse Boutillier de Saint-André nous décrit cette scène qui a du être tant vécue au milieu de toutes les guerres de l’Histoire :
« Le lendemain, de bonne heure, nous nous rendîmes à Mortagne : nous trouvâmes la ville presque déserte ; tout le monde avait fui. Ma mère avait conservé quelques sommes d’argent qu’elle n’avait pas encore cachées. Mon père employa le reste de la journée à faire des étuis en terre jaune qu’il consolidait en les faisant cuire au feu : il y glissa des écus et quelques louis […] Nous portâmes le soir les étuis que mon père avait fait, partie dans le bois des Granges, partie dans un pré voisin de Mortagne. On fit des trous profonds dans la terre avec une barre de fer, dans lesquels on glissa les rouleaux ; et mon père, ma mère et moi, qu’ils avaient mené avec eux pour ce triste ouvrage, comme l’aîné et le plus discret, afin qu’en cas de survivance, je pusse me rappeler le lieu où nous cachions notre argent, nous remarquâmes bien, par des lignes que nous faisions aux arbres et par le nombre des pas, les endroits où étaient nos caches. Mon père, avant de glisser les rouleaux en terre, avait recouvert chaque étui d’une ardoise sur laquelle il avait gravé ces mots : Ad custodiam Dei (A la garde de Dieu). Ce que nous avion caché dans le pré fut retrouvé, trois ans après, par un paysan qui nous le rendit ; mais je n’ai jamais pu rencontrer ce que nous avions déposé dans le bois des Granges, malgré toutes les recherches que j’y ai faites à différentes fois. » (pages 167-168)