Cap Man, Super-héros belfortain
Par Hervé Thiry-Duval
Belfort dort. Ronfle, roupille, somnole, sommeille, rêve ; tandis qu’une ombre veille. Quelque part, dans un endroit secret, un homme se prépare. Dans un silence austère va s’accomplir une spectaculaire métamorphose, digne du docteur Jekyll devenant Mister Hyde. Un homme, un passant anonyme, que vous avez, peut-être, sans le remarquer, déjà croisé dans la rue va progressivement changer d’identité. Il enfile lentement son étrange costume bleu, ajuste sur son visage son masque noir puis d’un geste ample agrafe sa superbe cape rouge. C’est fait, il n’est plus lui, il est devenu l’autre. Dans le grand miroir placé devant lui, il adresse un sourire ultra bride à son reflet flatteur. Le voici prêt à braver tous les dangers. Cet homme-là est un héros, même un super héros. Il affiche, comme on dit, une belle tête de vainqueur.
New-York à Superman ; la ville de Gotham, Batman et pour Belfort, c’est Cap Man ! Les gens de Montbéliard, Vesoul ou Besançon en sont verts de jalousie. Cap Man c’est la cerise sur le Lion de Belfort.
Cet homme-là ne connait pas la peur. Pour sauver la veuve et l’orphelin belfortains, il serait capable de se sacrifier et accepterait d’accomplir des actes hautement périlleux. Cap Man pourrait :
Participer à un karaoké en interprétant les chansons du groupe Ange.
Apprendre par cœur tous les livres de Jean-Pierre Chevènement.
Crier en plein stade Bonal que le FC Sochaux ne vaux pas tripette.
Et même en cas ultime, épouser en juste noces, la Madeleine Proust !
Oui, ce gars-là possède l’étoffe des grands Supers Héros. Au fil du temps, ce Belfortain à la cape rouge est devenu l’objet de bien des fantasmes. On dit qu’il a un petit lion de Belfort tatoué sur le bras droit. Qu’il prend des bains de cancoillotte pour se rendre invulnérable. D’après certaines rumeurs contradictoires, son repère secret se cacherait sous un curieux dolmen situé dans la caserne du 35é régiment d’infanterie ou bien dans une salle secrète de l’UTBM (Université de Technologie de Belfort-Montbéliard)
Il a aussi gagné le cœur des jeunes belfortaines. Elles seraient nombreuses à dormir avec sa photographie cachée sous leur oreiller. On murmure parfois que le grand slip rouge qu’il enfile sur ses longs collants bleus n’y serait pas étranger. Bien des fangios du samedi soir l’invoquent avant de prendre le volant. Car par une curieuse destinée, on fit de Cap Man le pourfendeur des radars routiers.
Car c’est un super héros de notre temps, un héros qui respecte la planète. Pour se déplacer, Cap Man n’utilise pas de Batmobile, ni Tornado, le cheval de Zorro non juste un simple vélo. Un vélo de super héro, le même que Bernard Hinault. On aurait beau jeu d’affirmer que cette bicyclette fut malheureusement son talon d’Achille. A cause d’elle, le destin de Cap Man passa subitement de l’ombre mystérieuse à la lumière cru. De l’épopée à la comédie. Bref, il y eut un « couac »
Tout à basculé, une nuit de septembre 2010. Une nuit que Cap Man voudrait bien effacer de se mémoire. Elle forme comme une grosse tache noire sur la cape rouge de sa légende..
Justicier masqué et encapé, il souriait en pédalant à fond de train sur le pont Jean Legay. Cette nuit, il en était persuadé, marquerait un des point culminant de sa carrière : Il allait enfin mettre la main sur les voleurs des superbes têtes de vaches qui ornait jadis la façade du marché Fréry. Cette nuit-là, il volait presque. Sa longue cape lui faisait comme de grandes ailles rouges sur le dos. Il fallut un étrange concours de circonstance pour que toute cette belle mécanique se détraque subitement. Il fallut d’abord un quidam se promenant à cette heure tardive. Un quidam qui n’en crut pas ses yeux en voyant apparaitre au loin Cap Man, le Cap Man. Il sortit son téléphone portable pour immortaliser cet instant formidable. Il tremblait d’émotion en filmant cet être de légende. Il allait bientôt disparaitre dans la nuit quand à cet instant, Cap Man se fit « flasher » à 58 km/h. par un radar en bas de la décente. Le quidam cinéaste amateur venait de mettre en boite une scène anthologique.
Cette maudite vidéo est à l’origine de la grave dépression de notre Super Héro. Dans les jours qui suivirent, elle fit le « buzz » sur la toile internet. Se voir réduit au rôle d’un vague acteur de vidéo-gag affecta profondément l’égo de notre super héro. Lui qui se rêvait héroïque devenait comique. Partout des internautes se bidonnaient en se repassant à n’en plus finir la scène ou le radar déclenche son flash au passage du cycliste. Depuis l’homme à la cape rouge ne fait plus parler de lui.
La légende de Cap Man mérite mieux qu’une éphémère célébrité sur internet. Cap Man, c’est autre chose. Cap Man, c’est un symbole, c’est le rêve vivant de toute une ville.
Aussi, je crois me faire le porte-parole de nombreux belfortains et terrifortains, en m’écriant : Cap Man reviens !