D'un côté de la place Clichy se trouve le café Wepler qui fut longtemps mon repaire préféré. Je m'y suis assis, à l'intérieur ou sur la terrasse, par tous les temps. Je le connaissais comme un livre. Les visages des serveurs, des directeurs, des caissières, des putains, des habitués, même ceux des dames des lavabos sont gravés dans ma mémoire comme les illustrations d'un livre que je lirais tous les jours. Je me rappelle la première fois où j'entrai au Wepler, en 1928, avec ma femme sur les talons ; je me souviens de ma stupéfaction lorsque je vis une putain s'écrouler ivre morte sur l'une des petites tables de la terrasse, sans que personne ne vienne l'aider. L'indifférence stoïque des Français me bouleversa et me fit horreur ; c'est d'ailleurs toujours le cas, malgré toutes les qualités que je leur ai découvertes depuis.
- C'est rien. Juste une putain... Elle a bu un coup de trop.
Henri Miller - Jours tranquilles à Clichy
At one corner of the Place Clichy is the Café Wepler, which was for a long period my favourite haunt. I have sat there inside and out at all times of the day in all kinds of weather. I knew it like a book. The faces of the waiters, the managers, the cashiers, the whores, the clientele, even the attendants in the lavatory, are engraved in my memory as if they were illustrations in a book which I read every day. I remember the first day I entered the Café Wepler, in the year 1928, with my wife in tow; I remember the shock I experienced when I saw a whore fall dead drunk across one of the little tables on the terrace and nobody ran to her assistance. I was amazed and horrified by the stoical indifference of the French; I still am, despite all the good qualities in them which I have since come to know. “It’s nothing, it was just a whore… she was drunk.”
Henri Miller - Quiet days in Clichy