Il faudra s'armer de patience pour trouver cette grotte qui n'est rien d'autre qu'une entrée de mine à flanc de montagne, en grande partie dissimulée par la végétation et qui porte le nom de grotte des Partisans.
Cette mine, qui s'enfonce d'une vingtaine de mètres dans la roche, nous rappelle d'abord que depuis le XVIe siècle, sur le territoire de la commune de Rothau, on exploitait les gisements de minerai de fer, gisements peu importants certes, mais d'une bonne qualité, ce qui ouvrait de multiples débouchés.
Le développement des mines sera l'oeuvre du comte palatin Georges Jean de Veldenz, seigneur, entre autre territoires, de La Petite-Pierre. C'est lui qui rachète en 1579 des mains de l'archiduc Ferdinand, alors landgrave d'Alsace, les droits d'exploitation des mines. Le comte palatin entreprendra de remarquables et gigantesques travaux pour rétablir les routes de montagne afin de pouvoir exporter le minerai. On lui doit ainsi les aménagements de la voie romaine vers Blâmont et le chemin des Bornes vers Barr. Messire Jean-Frédéric Rathsamhausen zum Stein, seigneur du Ban-de-la-Roche et donc des terres du secteur, éleva aussitôt des protestations, faisant valoir que ces droits d'exploitation lui revenaient. Sa demande fut reconnue comme justifiée et le comte palatin dut lui verser des droits afin de pouvoir poursuivre l'exploitation.
Après la conquête de L'Alsace par Louis XIV, l'exploitation fut abandonnée en 1690 par les Veldenz. Elle sera reprise par le baron de Dietrich qui chercha à développer les mines, restaura le château de Rothau pour en faire une résidence à la hauteur de ses ambitions d'industriel. À partir de 1795 fonctionnent ici un haut fourneau, une renardière et un martinet dont les productions approvisionnent la manufacture royale d'armes de Klingenthal... C'est dire que Rothau connaissait une période faste !
En 1814, l'empire napoléonien s'effondre, la France est envahie par les armées alliées. Un enfant du pays, né à Rothau en 1762, Nicolas Wolff, ne peut accepter ce revirement des armes ; lui qui avait été reçu par l'empereur Napoléon Ier, lui qui s'était vu remettre la Légion d'honneur et qui fut aussi chargé de retarder l'avance ennemie à travers les Vosges ! Directeur des forges de Framont après avoir fait fortune comme marchand de bois, Nicolas Wolff décida donc de se placer en travers des armées ennemies. Décidé à arrêter la marche des Russes qui formaient l'avant-garde des troupes de l'invasion, il recruta bon nombre d'hommes du secteur, des ouvriers, tous gens simples qui le connaissaient bien et lui faisaient confiance.
Armés jusqu'aux dents, ces partisans déclenchèrent en pleine nuit autour de Rothau des tirs intenses, faisant croire au commandement des alliés que des forces considérables bloquaient la progression par la vallée et tentaient même de lancer une contre-attaque. Ce manège dura deux jours et bloqua l'armée russe. Les coalisés se replièrent même un moment devant ce "danger" inattendu. Quant à Wolff, il se retrancha ensuite dans la montagne et dissimula une partie de ses armes et munitions dans cette mine. De là, il lança des raids de tous les côtés, se repliant à chaque fois sur cette cachette. Finalement, les Alliés comprirent qu'il ne s'agissait que d'une poignée de partisans et lancèrent une véritable chasse à l'homme. Mais Wolff réussit à échapper à ses poursuivants.
Le héros de la grotte, dès lors nommée Grotte des Partisans, est mort en 1846 à Colmar. En 1897, une stèle est élevée en son honneur à Provenchère-sur-Fave. Le monument est finalement transféré à Rothau après le retour de l'Alsace à la France et inauguré en 1925. Démonté sur ordre des Allemands en 1941, il sera remonté au cimetière de Rothau en 1954 !
Source : Histoires extraordinaires et lieux mystérieux
d'Alsace, GUY TRENDEL (ISBN : 978-2884-19228-6)