Breton ou normand, le Mont-Saint-Michel ?
Au vieux dicton local qui dit que « le Couesnon dans sa folie a mis le Mont en Normandie », certains ajoutent volontiers que « le Couesnon, dans sa raison, le rendra aux Bretons ».
Voici quelques éléments pour alimenter le débat…
Un peu de géographie, d’abord :
Le mont Saint-Michel est un îlot rocheux granitique situé à l’est de l’embouchure du fleuve du Couesnon. Côté Manche, donc.
Certes, le Couesnon, long de 98 km, fait la quasi-totalité de son parcours en Bretagne. À l’approche de la mer, son cours est tellement irrégulier qu’il a peut-être un jour placé le Mont du côté de la Bretagne. Mais rien ne permet de l’affirmer. Ce qui est certain, en revanche, c’est que le Couesnon a servi de frontière entre la Bretagne et la Normandie, du côté ouest du Mont.
Et maintenant un peu d’histoire :
Oui, le Mont-Saint-Michel a été breton. En 867, le roi a concédé une partie du Cotentin et de l’Avranchin au roi Salomon de Bretagne. Quand le viking Rollon s’est établi en Normandie, en 911, le Mont ne faisait pas partie de son territoire. Ce n’est qu’en l’an 1009 que la frontière sud de la Normandie fut déplacée jusqu’au Couesnon. Le Mont a donc été sous férule bretonne pendant presque 150 ans. Pas plus, pas moins. Tout le reste de son histoire est marqué du sceau normand. Ou plutôt du sceau d’Avranches.
Le Mont est rattaché depuis l’époque de Charlemagne au diocèse d’Avranches, en Neustrie. Avant même que l’abbaye n’y soit construite, le Mont Tombe (ancien nom du Mont-Saint-Michel) a sans doute accueilli un petit oratoire en forme de grotte construit par saint Aubert, l’évêque d’Avranches, vers 710. Et si l’on remonte à l’Antiquité, le Mont était probablement un lieu de cultes druidiques pour les Abrincates, un peuple gaulois qui vivait au sud du Cotentin.
Surtout, ce qui fait la gloire du Mont-Saint-Michel, bien plus que le rocher, c’est son extraordinaire abbaye. Celle-ci est toute entière le fait des Normands. Les bénédictins l’ont construite à partir du Xe siècle, sous l’autorité du duc de Normandie. Les dizaines d’abbés qui la dirigèrent furent tous des bénédictins normands.
À vous d’en déduire si le Couesnon est si fou que cela !