A 5 km de Noyon,
sur la route Noyon-Guiscard (là où se tient maintenant le Relais
Saint-Hubert) se trouve le lieu-dit " Les Usages "un
sentier s’engage sur la droite en montant dans la forêt et
après un bon kilomètre ce chemin tortueux débouche sur une petite
plate-forme où était construit un pavillon de chasse bien aménagé
et disposant de deux fenêtre, l’une vers la forêt,
l’autre vers le chemin menant à la route nationale.
C’est en cet endroit qu’une école d’instruction
d’armes et de sabotages avait été installé par la
Résistance.
Nous
sommes dans les derniers jours de la première quinzaine du mois de
juin 1944, et une vingtaine d’hommesbien armés vivent en ces
lieux multipliait les sabotages sur les lignes de communication de
l’occupant. C’st ainsi que le câble souterrain
Paris-Lille a été coupé 9 fois, la ligne aérienne Paris-Berlin 2
fois ou d’autre sabotages comme la destruction du poste de
radio repérage du massif d’Autrecourt entre
Beaugies-sous-Bois et Grandrû.
Cependant ce dernier sabotage effectué à 1 km 5 du maquis
resserre le cercle des recherches de l’occupant et le 22 juin
1944 , 3 résistant de Salency opérant le ravitaillement et la
liaison avec les " Usages " tombent dans une embuscade
tendues par les Allemands. (On saura plus tard qu’ils ont été
trahis par un Français de 19 ans pour de l’argent). Deux
réussirent à s’enfuir, mais le troisième est capturé. Emmené
à Compiègne il est aussitôt atrocement torturé et brûlé au fer
rouge dans les reins, il est obligé de dire où se cache le maquis
et sa composition (mais ici, il trompe l’ennemi). Attaché, il
est conduit au chalet dont une sentinelle (Bertrand) garde seul
chemin d’accès.
Il fait
une " belle journée " en ce vendredi 23 juin et ce
jour-là le chef du secteur de Chauny,
Dromas dit Camille et son agent de liaison sont venus mettre au
point avec le responsable des " Usages " le
Commandant
Fourrier dit Foulon, la coordination des sabotages sur le
réseau S.N.C.F.
Le temps
presse et tout le monde se met au travail. Autour de la table, à
l’extérieur, huit hommes prennent places. Le dos au bois,
côté de la route, sont installés Devulder Gaston, Moreau Maurice,
" Camille et un autre résistant. En
face quatre autre Résistant dont le commandant Fourrier devant
Fourrier devant " Camille ", avec les fils Devulder et
Fourrier. Des cartes s’étalent sur la table et un premier
sabotage est mis au point entre Noyon et
Appilly.
Du
pavillon vient se joindre un Résistant. Il s’appelle Alfred
Coffinier. Il reste à l’extrémité de la table car il est
cuisiné et fait cuire du mouton pour le repas du
soir.
Bientôt
le travail se termine mais il y a toujours quelque chose à dire et
voilà deux jours que G. Devulder et Maurice Moreau se serrant la
main en se levant pour s’asseoir de nouveau… Cependant
que Coffinier repart en hâte vers le pavillon où il a cru sentir
une odeur de mouton brûlé.
Il est 17 heures. Sont présents, occupés à l'intérieur du chalet
aux travaux de nettoyage d'armes et de munitions, Alfred Coffinier,
un Lieutenant Serbe Moma, deux marins Michel carreau et Henri
Bulcourt, Lucien Roos, Michel Depierre, Michel Bouquet, Poette et
Moreira.
"Ecoutez"
C'est le Commandant Fourrier qui vient de parler, et réclame
impérativement le silence.
"C'est curieux, "ils" tapent rudement fort nos bûcherons", et
d'ajouter "s'ils tapaient sur les tôles c'est verraient les
Allemands".
Ce que les Résistants apprendront plus tard, c'est que les tôles
n'étaient pas à côté des bûcherons... et les Allemands, eux, sont
tout près de ces tôles. Impossible de taper dessus. Alors, en une
action désespérée, no bûcherons frappent à grands coups de haches
sur les arbres, espérant donner l'alerte. C'est ce que le chef du
maquis entend.
Pendant un court instant, il soupçonne quelque chose, mais tout
semble si calme et les oiseaux chantent dans les arbres.
Alors, tout va se dérouler comme un éclair. Brusquement, montant de
la forêt par le côté le plus inaccessible, celui de la route
Noyon-Ham, sans être aperçu de la sentinelle qui surveille le
chemin, un civil, chausse de bottes allemandes, tenant une
mitraillette et une grenade dans la main gauche, débouche du bois à
moins de dix mètres des quatre hommes qui lui tournent le dos. Il
hurle un "haut les mains" guttural et vide en même temps le
chargeur de sa mitraillette sur les Résistants attablés.
Maurice Moreau, une balle dans la tête, d'autres dans la poitrine,
s'écroule mort sur le coup, le garde-chasse Gaston Devulder,
mortellement blessé, gît à côté de lui. Le banc s'est
renversé.
"Camille", indemne par miracle, est aplati derrière, sans arme pour
riposter et regarde les courtes flammes sortir du canon de la
mitraillette, dont les balles passent à quelques centimètres
au-dessus de sa tête.
En face, il y a deux blessés: le Commandant Fourrier, qui perd
quatre dents par un éclat d'une dizaine de grammes qui lui laboure
la bouche s'écroule assommé et son fils Daniel grièvement blessé à
un bras regagne péniblement le pavillon. Le premier fut atteint par
un feldgendarme qui se tenait en retrait du "civil" allemand qui
n'était autre que le commandant de la Gestapo de Compiègne. Les
deux autres Résistants foncent vers la maison pour y saisir leurs
armes.
Les Allemands lancent des grenades. La distance est trop grande et
toutes manquent leur but… ou presque. L’une tombe dans
le pavillon. C’en est fini de l’équipe des défenseurs ?
Non ? un maquisard, Michel Carreau se jette dessus et la relance
par la fenêtre. Elle n’a pas encore touché le sol que déjà
elle explose. Une seconde fois la catastrophe est évitée
d’extrême justesse.
Un Allemand avance d’arbre en arbre. Au dernier moment le
fils Devulder, qui suit sa progression, l’abat d’une
rafale de mitraillette.
Lucien Ross, qui a vu les Allemands entrer dans une remise en
contrebas, dégoupille une grenade et la fait rouler doucement sur
le béton. Celle-ci explose tuant deux Allemands. Le troisième
essaie de s’échapper mais il est abattu par une rafale de
mitraillette.
" Camille " derrière son banc regarde toujours le "civil " à la
figure rouge. Il comprend que le chargeur de la mitraillette est
vide et qu’il va se servir de sa grenade. Dans la sacoche de
sa bicyclette, adossée à un arbre à quelques mètres de la table se
trouve un revolver. Il veut profiter de se court instant de répit
pour s’armer et se défendre. Comble d’ironie, la
bicyclette de " Camille " appartient à un autre chef de la gestapo
: Gregor Huss. Il lui à dérobée, il y a quelques jours, devant la
gare de Tergnier. Depuis il l’utilise après l’avoir
légèrement modifier.
Impossible en ce moment tragique, d’atteindre ce revolver. "
Camille " s’enfonce alors dans le bois par ou il était venu
une heure auparavant, avec son fidèle agent de liaison maintenant
tué. Une idée en tête : aller chercher du renfort pour sauver le
maquis…
C’est alors que la situation va changer.
L’espace d’un éclair Coffinier réalise la situation, il
aperçoit le feldgendarme et le civil en train de dégoupiller sa
grenade.
Dans le pavillon, des arme son accrochés partout. A
l’espagnolette de la fenêtre , une mitraillette " Sten " pend
devant son nez, le chargeur engagé. Dans quelques secondes le
commandant de la Gestapo aura jeté sa grenade et c’en sera
fini de ceux qui sont dans la cave.
Au travers de la vitre qui vole en éclats, il vide entièrement son
chargeur. Dix mètres plus bas le feldgendarme et le commandant de
la Gestapo ont cessé de vivre, criblés de 25 balles. Pour plus de
sécurité, il lance aussi une grenade quadrillée. Le sang-froid
d'Alfred Coffinier vient de sauver le maquis de la
destruction.
Les deux Résistants ont atteint le pavillon quand l'un d'eux,
Maurice Bertrand reçoit une balle dans la fesse. En cet instant
dramatique, au moment de pénétrer dans la maison, on entend à haute
voix: "Ca y est, j'en ai une dans le c...!"
Tout de suite d'autres Allemands arrivent, le pavillon est à demi
encerclé mais les Résistants se sont ressaisis.. A la mitraillette,
au fusil et à la grenade, ils tiennent à distance les Allemands,
sidérés devant une défense qu'ils n'attendaient pas. Le combat est
acharné. Dans le pavillon de chasse, devenu une forteresse, le
lieutenant yougoslave, prisonnier évadé, veut mettre en batterie un
fusil-mitrailleur. Ce dernier s'enraye et, posément, le lieutenant
commence à le démonter. Coffinier lui crie de prendre une
mitraillette et des grenades, ce qu'il fait aussitôt. Dans la cave,
on pose un garrot au bras de Daniel fourrier avec une courroie de
mitraillette. Plusieurs Allemands sont abattus et les Résistants
n'ont encore subi d'autres pertes que celles des premières secondes
de combat. A quelques mètres, Gaston Devulder s'éteint doucement.
Jusqu'à son dernier souffle, il va regarder son fils se battre
comme un lion.
L’ennemi subit de lourdes pertes. Une dizaine d’hommes
sont tués ou blessés et le combat dure depuis quarante minutes.
Malgré leur supériorité numérique les Allemands décrochent pour
rompre le combat et aller chercher des renforts.
A cet instant, une silhouette apparaît, droit devant, dans le
feuillage. Les résistants hésitent à tirer. un jeune homme, en
civil, les mains liées derrière le dos, court vers le pavillon.
C’est l’agent de liaison du commandant Fourrier que la
Gestapo a torturé et amené sur les lieux. Il entre dans le
pavillon. (le soldat allemand lui avait fait les nœuds sur le
devant, ce qui lui a permis de se libérer seul. Sitôt la retraite
des Allemands, celui-ci s’attendait à être abattu).
Comprenant qu’ils seront submergés par un retour en force de
l’ennemi, les maquisards décident aussi de décrocher en se
protégeant mutuellement par des feux croisés. Ils vont tenter de
gagner, à travers champs et bois le département de l’Aisne
tout proche.
Le dernier à quitter les lieux est le fils du garde Devulder. Il va
vers son père, regarde " Jules " en passant et s’incline.
puis un genou à terre, il embrasse une dernière fois son père dont
les yeux grands ouverts ne regardent plus rien. Sans un mot, la
mitraillette serrée dans la main, il s’éloigne dans le
bois à la suite de ses compagnons.
Le combat est terminé.
Au poste de Maucourt, au-dessus de Grandru, Daniel Fourrier est
pansé par le Docteur Goullieux que la Résistance a alerté, puis M.
Defouloy d’Appilly emmène le bléssé à Camelin ou le Docteur
Duval de Blérancourt le soigne avec dévouement ; plus tard il sera
transféré clandestinemet à l’hopital de Chauny et opéré par
le Docteur Fourré.
Les rescapés vont à pied jusqu’au abords de Chauny ou ils
sont hébergés pour la nuit dans une grange, d’ou ils partent
le lendemain matin rejoindre le maquis d’Ugny-le-Gay
.C’estla que Max Brézillon, au volant d’une camionnette
gazogène viendra les chercher pour les conduire dans les carrières
de Caisnes.
Bien qu’amputé de la jambe gauche en 1940 " Camille " a déjà
parcouru plusieurs kilomètres à travers champs.
Un résistant est avec lui . Arrivé dans une petite rue à Noyon, il
frappe à une porte . Une femme lui ouvre : " il me faut deux
bicyclettes ! ".Sans rien demander la dame donne une bicyclette. Le
résistant l’enfourche et s’éloigne, tandis que "
Camille " continue à pied vers la gendarmerie. Il entre et demande
à parler seul au brigadier : " le maquis de Noyon est attaqué,
j’ai besoin d’aide pour sauver la vie de nombreux
Français ".Le gendarme médusé et presque terrorisé va en chercher
un autre quand un civil entre. Silence. dès le départ de ce
dernier, "Camille" crie aux agents "Téléphonez chez Brézillon, il
est au courant, demandez-lui de ma part, qu'il envoie un
camion sur la route de Chauny". Les gendarmes s'exécutent et
bientôt arrive un camion à gazogène de l'entreprise. "Direction
Chauny" lance "Camille" au chauffeur qui n'est autre que Max
Brézillon. Sentant un danger, ce dernier n'a voulu laisser à
personne d'autre le soin de cette missions. Le camion, guidé par
Camille prend la direction d' Ugny le gay. Il retrouve là les
rescapés du pavillon de chasse. Ce sont donc au complet que les
rescapés seront conduits le lendemain dans la carrière de
Caisnes.
Le soir vers 23h00, les Allemands reviennent en nombre au maquis.
ils font sauter le chalet, ils descendent ensuite vers la maison du
garde-chasse Devulder qu'ils incendient.
D'autre représailles cruelles sont effectuées à Crisolles sur le
Maire M. Marcel Poulin, sur Marcel Merlier, tous deus déportés en
Allemagne où ils trouvent la mort, et à Salency où 35 personnes
connaissent aussi les camps de concentration; 7 n'en reviendront
pas.